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Auteur : Gregorio Salinero
Éditeur : Presses universitaires de France (Paris)
Collection : Le Nœud gordien
Date de parution : mars 2014
Nombre de pages : 384
Présentation sur le site de l’éditeur
Une version espagnole révisée et augmentée a été publiée en janvier 2017 chez Ediciones Cátedra.
Ourdi au Mexique en 1565, le complot de Martin Cortés (fils d’Hernán Cortés) s’avère paradigmatique des nombreuses rébellions contre la couronne de Castille. Loin de se réduire à un face à face entre Espagnols et Indiens, la conquête brouille tous les clivages et sécrète précocement une conscience politique créole. Pour comprendre ces Espagnols des Indes, le livre révèle l’ampleur des désobéissances coloniales depuis les années 1540. Il nous fait revivre le déroulement des grands procès politiques conservés dans les archives américaines et péninsulaires. Les personnages extraordinaires et les histoires de vies les plus rocambolesques abondent dans cette radiographie méticuleuse du monde colonial et de ses relations avec la péninsule Ibérique. On y découvre la misère des émigrés, les convergences d’intérêts entre indigènes et colons, la corruption des magistrats, les faiblesses de l’appareil administratif et le mélange détonnant d’une société conservatrice avec des formes innovantes de culture politique et judiciaire. La Castille parvient péniblement à faire la reconquête des Indes contre les fils de conquistadors. En sorte qu’on ne saurait parler ni de pacification, ni d’enracinement de la colonisation, durant la seconde moitié du XVIe siècle.
Introduction : Les mots de la désobéissance.
Première partie : Les hommes de mal parti
I – Bernardino Maldonado et les rebelles de Taxco
La lèse-majesté en partage – Par la grâce d’un faux – Les rebelles de Taxco – Un jugement sans appel
II – Ceux de la frontière
Le Grand Chichimèque insoumis – Le diable prospère à l’ombre de la croix – Poursuites en cascade – Bruits de bottes et d’arquebuses
III – L’empire négligé selon Tello de Sandoval
« Quand les Indiens manquent, tout manque » – « Il y a beaucoup à faire et je ne vois rien de fait » – Les contradictions de la politique indienne
Deuxième partie : Le laboratoire de la monarchie
IV- La rébellion modèle
Le Pérou des Pizarro – La pétaudière andine – Doctrine et défense du mouvement
V- Administrer la répression
La méthode La Gasca – Le bal des têtes coupées – Pour une histoire des listes
VI- Déplacer et punir
Mobilité contre rébellion – L’effet domino
Troisième partie : Les répliques de la désobéissance
VII- L’insurrection des rivaux
Sébastian de Castilla, Egas de Guzmán – À charge contre Vasco Godínez
VIII- Les guerres de rébellion
Hernández de Girón et les complots de Cuzco – Le masque de la paix – La confession d’un tyran
IX- Un viatique pour l’innocence
Procès en mémoire de Vázquez – Les condamnés de San Juan – Un suivi judiciaire par-delà l’Atlantique – Procureurs contre l’appel
Quatrième partie : La trahison de Cortés
X- El espíritu de la rebelión
Les complots – Les forces de la conjuration – L’esquisse d’un gouvernement
XI- Les voix du secret
La rhétorique du dénonciateur – Confession judiciaire et confession spirituelle – Vole la mauvaise nouvelle – La clameur des couvents – Les deux secrets
XII- Le procès de Cortés
La vengeance des auditeurs – À la pêche aux imbéciles – Les condamnés de novembre – Procéder contre Cortés – La lèse-majesté selon le Conseil des Indes
Conclusion : La frontière d’autorité / Annexes – Bibliographie – Index
L’historiographie récente s’est intéressée aux résistances indiennes des XVIe et XVIIe siècles, celle de Chichimèques du nord de Mexico ou bien celle des Mapuches du centre du Chili. En revanche, les rébellions des colons, alliés quelquefois aux Indiens et aux esclaves, ont très largement été négligées au profit de l’étude de la marche de la colonisation. Cette dernière, menée au travers des rapports officiels et de la documentation témoignant du gonflement des nouvelles administrations, a totalement laissé de côté les sources judiciaires. C’est ce manque jadis souligné par Marcel Bataillon que ce livre s’efforce de combler.
La lecture des très volumineux procès politiques menés à l’encontre des colons rebelles durant la seconde moitié du XVIe siècle conduit à réviser l’idée que les commissaires du roi parviennent à pacifier les Indes de la désobéissance des Espagnols tout à réduisant les résistances indiennes. Au passage, l’étude révèle le détail des procédures judiciaires largement méconnues jusque-là si ce n’est dans le cas de l’Inquisition. En ce sens, la colonisation est bien loin de s’enraciner dans l’Amérique espagnole durant cette période comme on l’a trop souvent prétendu. Plusieurs ouvrages fraîchement parus perpétuent néanmoins ces mythes historiographiques. Au travers de l’étude des rébellions de Gonzalo Pizarro, de Sebastián de Castilla, d’Egas de Guzmán, de Francisco Hernández de Girón et de Martin Cortés, c’est tout un continent (depuis les Andes jusqu’au nord du Mexique) qui résiste à la couronne de Castille dont l’autorité est très largement rejetée. La rébellion (secondaire) des frères Contreras en Amérique Centrale et la brève geste séditieuse de Lope de Aguirre (dont je prépare une biographie) ne sont pas abordés ici. En revanche, le complot de Martin Cortés (dont le procès dure de 1566 à 1580) est emblématique de ces vastes mouvements.
Ils s’alimentent bien plus que de la résistance des possesseurs d’encomiendas ou de la simple volonté de la couronne à réduire l’influence des conquistadors et de leurs héritiers. Les intérêts de cette nouvelle aristocratie coloniale rencontrent les frustrations de la troupe des migrants pauvres, de nombre de tribus indiennes et de certains groupes d’esclaves pour forger très tôt une conscience politique créole. Les innombrables témoins des procès politiques attestent la vigueur de celle-ci. Sans doute est-elle bien différente de l’esprit d’indépendance qui soufflera bien plus tard sur ces régions. Mais elle ne se limite pas à la recherche d’une voie de compromis et exprime ouvertement la volonté que les nouveaux territoires soient désormais gouvernés par « les espagnols des Indes ».
Dans cet ouvrage, les analyses historiques et politiques se mêlent à de nombreux récits de vies extraordinaires ; celles qui conduisent quelquefois ces hommes (authentiques professionnels de la rébellion) depuis les hauteurs des Andes jusque vers la Castille, la France et les possessions espagnoles des Pays Bas. L’introduction étudie Les mots de la désobéissance. Puis, quatre parties successives à la fois thématiques et chronologique mettent l’accent sur le destin des individus, sur les insurrections, leurs répressions, et sur les usages politiques du judiciaire : Les hommes de mal parti ; Le laboratoire de la Monarchie ; Les répliques de la désobéissance ; La trahison de Cortés. Le rôle de la rumeur, les pratiques du secret, les liens complexes entre confessions spirituelles et confessions judiciaires, la place des pratiques divinatoires et magiques, les arcanes des procédures judiciaires (rarement étudiées) ou la place de la corruption et du jeu y sont étudiés au moyen de cas toujours surprenants et inédits.
Publié le 3 mars 2015, mis a jour le samedi 12 novembre 2022
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