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Élise Paysant

Doctorante

ENS – PSL (ED 540)

Thèse

Sujet de thèse : Justice musulmane, colonisation et société au Sénégal des années 1830 aux années 1930

Directrice et co-directeur de thèse : Hélène Blais (ENS, IHMC) et Ismail Warscheid (IRHT, CNRS)

Date de première inscription : septembre 2021

Résumé :

Dans la période des années 1840 aux années 1910, un système juridique pluraliste prend forme dans la ville coloniale de Saint-Louis. Il mêle à des institutions judiciaires calquées sur le modèle métropolitain un tribunal musulman créé en 1857, en réponse à la demande des élites musulmanes. Cette étude vise à analyser de manière conjointe la formation du système juridique colonial et les mutations du droit musulman, dans une région marquée depuis le 16e siècle par une intense production jurisprudentielle islamique. Quelles stratégies judiciaires les justiciables ont-ils mis en œuvre en privilégiant une juridiction par rapport à une autre ? Un système « infra-judiciaire » musulman s’est-il recomposé en parallèle de la justice officielle formée du tribunal musulman et des cours françaises ? 

Enseignement

Chargée de TD en histoire contemporaine à l’Université Paris X Nanterre depuis septembre 2020

Thèmes de recherche :

  • Histoire sociale de la justice coloniale ;
  • Histoire du droit musulman ;
  • Histoire de l’islam ouest-africain ;
  • Histoire de l’empire colonial français

Formation et concours

  • Agrégation externe d’histoire (2020)
  • Master d’histoire transnationale (École normale Supérieure Paris et École des Chartes, 2019)
  • Licence de droit (Université Paris Nanterre, 2019)
  • École normale Supérieure Paris A/L (2017)

Résumé du projet de thèse

Cette présentation a été publiée dans la lettre d’information de l’IHMC d’octobre 2024

La richesse des traditions savantes de l’islam subsaharien, longtemps occultée par la théorie coloniale d’un « islam noir », est aujourd’hui réévaluée. Cette thèse explore les pratiques judiciaires et juridiques musulmanes au Sénégal colonial des années 1830 aux années 1930, en montrant leur inscription dans la culture islamique savante ouest-africaine. Sans nier les transformations de la justice musulmane sous la domination coloniale, l’enquête conteste le récit historiographique dominant selon lequel la colonisation aurait imposé des bouleversements profonds de la charia et conduit au déclin du droit musulman. Elle montre au contraire l’éclosion, au Sénégal, d’une érudition jurisprudentielle musulmane vernaculaire échappant largement au contrôle colonial, dans un contexte d’accélération de l’islamisation et de recomposition des formes d’autorité religieuse en Afrique de l’Ouest. Il s’agit donc d’étudier les transformations de la justice et du droit musulman, sous l’effet conjugué des dynamiques de colonisation et d’islamisation.

Au milieu du xixe siècle, l’administration coloniale française s’efforce de construire une image de la France comme « puissance musulmane » en Afrique pour faciliter les conquêtes militaires qui se multiplient dans l’intérieur du Sénégal. C’est dans ce cadre qu’elle créée un tribunal musulman à Saint-Louis en 1857, en réponse aux demandes répétées des élites musulmanes de la ville depuis 1830, avant de fonder d’autres tribunaux musulmans sur le même modèle à Dakar, Rufisque, Kaolack et Kayes. En m’appuyant sur les archives en arabe des tribunaux musulmans, croisées avec les archives judiciaires et administratives coloniales, j’évalue l’ampleur des mutations de la justice musulmane provoquées par son incorporation dans le système juridique colonial, à travers l’étude des pratiques judiciaires tant des cadis officiels que des juristes musulmans informels, mais aussi des stratégies des justiciables. L’examen de la bibliothèque privée d’un cadi saint-louisien de la fin du xixe siècle, forte de près d’un millier de manuscrits et d’imprimés, m’a également aidée à mettre au jour la richesse de la culture juridique des cadis.

Mes recherches révèlent enfin que des pratiques informelles de la justice et du droit musulman se maintiennent et même se développent en dehors du cadre institutionnel colonial. Les lettrés musulmans conservent un rôle d’arbitres, de jurisconsultes voire de juges dans les litiges et développent une réflexion savante sur le droit musulman. Pour mettre au jour ces pratiques informelles qui échappent au contrôle et à l’intérêt colonial, j’ai dû m’écarter des archives coloniales et mener un travail d’enquête pour repérer des recueils, pour la plupart manuscrits, compilant les avis juridiques des savants musulmans qui témoignent de leurs activités de jurisconsultes. Ce corpus en arabe, inédit, révèle que le droit musulman est au cœur du projet de refondation d’une société musulmane par les « saints et lettrés » et que leur réflexion savante ne se limite pas au domaine de la mystique, à rebours des stéréotypes coloniaux persistants de « l’islam noir » fondé sur l’autorité charismatique de « marabouts » illettrés et une mystique soufie perçue comme opposée au droit musulman.

Publié le 13 octobre 2021, mis a jour le vendredi 25 octobre 2024

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