↑
 

Accueil > Le Laboratoire > Annuaire des membres > Membres statutaires > ZALC Claire > Dénaturalisés – Annexe

Résistants ou collaborateurs ?

Comparaison de l’activité des différentes entités au sein de la Commission de révision des naturalisations

• Une répartition non équitable

Tableau 5. Répartition des dossiers au sein des différentes sous-commissions

Numéro de commission

Nombre de dossiers examinés

Première sous-commission (Roussel)

93

19 %

Deuxième sous-commission (Mornet)

150

31 %

Troisième sous-commission (Bacquart)

193

40 %

Commission plénière

45

9 %

Nombre de dossiers

481

100 %

 Source : échantillon de 481 dossiers examinés dont on connaît la sous-commission.

Face à la masse de dossiers de naturalisation à réviser, il convient d’adopter des règles d’organisation du travail qui allègent les procédures. Plusieurs sous-commissions sont créées. « Après une expérience de deux mois environ, j’estimai que la commission ne pourrait, étant donné les autres occupations de ses membres, continuer à siéger en séance plénière plusieurs fois par semaine. Pour accélérer l’examen des dossiers, je divisai la commission en trois sous-commissions » relate Jean-Marie Roussel, président de la Commission lors de la procédure d’épuration dont il fait l’objet en 1945 (mémoire en défense de Jean-Marie Roussel, p. 3, AN BB/30/1840).

Ces trois sous-commissions sont présidées respectivement par lui-même, André Mornet et Raymond Bacquart. Elles siègent deux fois par semaine en moyenne. La commission plénière se réunit, elle aussi deux fois par semaine, pour traiter des cas problématiques. Les trois hommes nommés à la tête des sous-commissions sont promus, de fait, à un rôle décisionnaire de premier plan. Ils ne se répartissent pas le travail équitablement : la troisième instance, présidée par Raymond Bacquart, traite nettement plus de dossiers que les deux premières puisque 40 % des dossiers y sont examinés, contre 19 % pour la première sous-commission et 31 % pour la deuxième quand un peu moins de 10 % des passages s’effectuent en commission plénière (tableau 5).

Des sévérités contrastées

Tableau 6. Avis donnés par les différentes sous-commissions en premier examen

 

Avis donnés

Total

Numéro de commission

Maintien

Enquête

Retrait

Première sous-commission (Roussel)

67 %

30 %

3 %

100 %

Deuxième sous-commission (Mornet)

46 %

51 %

3 %

100 %

Troisième sous-commission (Bacquart)

71 %

27 %

2 %

100 %

Commission plénière

58 %

24 %

18 %

100 %

Ensemble

61%

35%

4%

100%

Nombre de dossiers

294

168

19

481

Source : échantillon de 481 dossiers examinés dont on connaît la sous-commission.

Test du Chi-2***. Le chi-2 est une mesure des écarts entre la situation observée et la situation dite théorique, où il n’y aurait aucun lien entre les variables considérées, autrement dit ici entre le fait d’être examiné par une des trois sous-commissions et le maintien dans la nationalité française. Par convention, *** indique que la valeur du test dit « du Chi2 » est significative au seuil de 1% : le risque interprétatif pris est raisonnable puisqu’il n’y a qu’une chance sur cent que l’écart constaté par rapport à la situation d’indépendance soit dû au hasard.

Cependant, les avis prononcés par la troisième sous-commission, présidée par Bacquart, sont nettement moins sévères, en première instance, que ceux des deux autres sous-commissions : dans 71 % des cas, elle émet des avis de maintien de la naturalisation alors que la sous-commission présidée par André Mornet n’en accorde que 46 %. La thèse, propagée par les Allemands à partir de l’automne 1943 et largement diffusée ensuite par Mornet lui-même, selon laquelle sa sous-commission, la deuxième, aurait été plus laxiste que les deux autres n’est pas exactement conforme aux faits observés. Elle est nettement moins clémente que les deux autres sous-commissions, puisqu’elle prononce moins d’avis de maintien dans la nationalité mais préfère reporter ses décisions en sollicitant d’autres instances.

Au final quel bilan par sous-commission ?

Tableau 7. Répartition des décrets de retrait par sous-commissions (1940-1943)

Numéro de commission

Pourcentage des décrets de retraits

Première sous-commission (Roussel)

29 %

Deuxième sous-commission (Mornet)

25 %

Troisième sous-commission (Bacquart)

38 %

Commission plénière

8 %

Nombre de dossiers

100 %

Source : comptage à partir de 12 959 décrets de retrait recensés dans la base DÉNAT
 dont on connait la sous-commission. 

Certes, la délégation de la décision revient aussi à la décaler dans le temps, voire à la reporter et la commission Mornet compte à son actif une proportion légèrement inférieure de décrets de retraits : 24,63 % du total, alors que la sous-commission Bacquart peut en revendiquer 37,74 % (tableau 7). Mais il convient de rapporter ces proportions au nombre de dossiers examinés (tableau 5). Au final, c’est surtout l’intransigeance de la sous-commission Roussel qui ressort clairement de ces comparaisons : elle examine sensiblement moins de dossiers que les deux autres (19 % du total), ce qui est compréhensible au vu des autres tâches sans doute assumées par Roussel en tant que président de la Commission. Et pourtant, elle prononce près d’un tiers des retraits (29,12 %). 

Publié le 12 juillet 2022, mis a jour le jeudi 22 septembre 2022

Version imprimable de cet article Version imprimable
Accueil du site IHMC
 
Institut d'histoire moderne
et contemporaine – UMR 8066
ENS, 45 rue d'Ulm, 75005 Paris
+33 (0)1 44 32 32 86
contact-ihmc@ens.fr
Facebook X YouTube