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Au cours de l’année 2022 ont été organisés plusieurs ateliers de travail pour permettre aux membres de l’IHMC de construire les six nouveaux axes de recherche.
Voir la présentation des axes 2018-2022
Le projet scientifique de l’IHMC reste, depuis sa création en 1978 et sa transformation en 2016, largement ancré aux mêmes principes, comme le montrent les publications et rencontres scientifiques organisées depuis 2017 : privilégier les approches transnationales, les perspectives d’une histoire sociale et les croisements entre historiographies en tentant de maintenir les liens entre recherches et débats contemporains. L’IHMC a pour vocation d’étudier sur le temps long les dynamiques historiques qui ont construit depuis le 14e siècle le monde actuel, en privilégiant une large ouverture sur l’espace européen (Méditerranée, Europe centrale...), atlantique et international. Les périodes moderne et contemporaine y sont envisagées comme un cycle historique d’ensemble, celui de la modernité, caractérisé en particulier par l’intensification des circulations et des échanges et un élargissement constant des espaces reliés, en Europe et hors d’Europe. Une attention particulière est accordée aux enjeux méthodologiques, aux outils conceptuels et aux frontières classiques utilisées pour structurer les approches ou les périodes. Le laboratoire doit consolider sa position d’expertise dans les débats publics et de prescripteur de méthodes d’écriture de l’histoire (construction de sources, analyse critique...).
L’IHMC constitue un pôle de référence international pour plusieurs des recherches qu’il fait vivre : l’histoire des sciences et des savoirs, l’histoire de la guerre et de la paix, l’histoire des espaces coloniaux et impériaux ou l’histoire de la Révolution française sont autant de marques de fabrique du laboratoire qui assurent sa grande attractivité auprès des collègues et des étudiants. L’objectif, pour le prochain quinquennal, est de préserver cette place et de la renforcer encore. L’IHMC est appelé à jouer un rôle moteur dans le renouvellement des problématiques historiques en lien avec les enjeux actuels : conflits internationaux ; justice environnementale ; migrations...
Ces différentes perspectives doivent contribuer à consolider les partenariats existants et à renforcer la position du laboratoire dans les grands projets impulsés par les tutelles ou autres. Comme cela a été précisé plus haut, un travail de remise à plat des différents axes a été engagé au cours de l’année 2022 sous forme d’ateliers collectifs, de manière à faire le bilan sur la façon dont les anciens axes avaient fonctionné, à identifier celles des pistes de recherche qui s’étaient particulièrement développées et à intégrer les propositions venues des collègues chercheurs et enseignants- chercheurs qui ont rejoint l’unité en cours de quinquennal. Ce travail a abouti à la refonte des axes que nous présentons ci-dessous afin d’expliquer comment, tout en tenant compte des évolutions récentes de la recherche dans l’unité, mais aussi à l’échelle globale, ceux-ci s’inscrivent pleinement dans la continuité des recherches menées à l’IHMC.
Ce nouvel axe de l’IHMC est issu des convergences qui sont apparues, depuis 2017, entre les recherches menées par une partie des collègues qui travaillaient ensemble au sein des axes « Savoirs et patrimoines » et « Mobilités et échanges ». Il intègre par ailleurs les propositions issues de chercheurs arrivés à l’IHMC depuis 2017. Les échanges entre les collègues de l’IHMC au sein du séminaire commun et dans le cadre de l’organisation d’un certain nombre de colloques ont en effet permis de prendre conscience de l’importance des recherches portant sur l’articulation entre les transformations des recours et des rapports à l’écrit dans les sociétés européennes et les transformations des manières d’exercer le pouvoir et de gouverner les populations[1]. Le travail en commun a également fait émerger l’importance dans la longue durée des transferts et des formes de réappropriation d’outils scripturaires, de savoirs de gouvernement et, en leur sein, de certains concepts et de certaines pratiques à l’intérieur d’un espace européen entendu au sens large et dans ses interactions avec le reste du monde. De ce constat découle le fait que ce nouvel axe est celui qui présente la plus grande profondeur historique en intégrant des recherches qui s’étendent de la fin du Moyen Âge jusqu’au temps présent. Il s’organise autour de trois sous-axes.
Les chercheurs de cet axe, héritant en partie des recherches menées précédemment au sein de l’IHMC en histoire du livre et de l’imprimé, travaillent à la fois sur la montée en puissance des usages de l’écrit à des fins de gouvernement des populations et sur ce que l’enrichissement des types d’écrits auxquels on a recours fait aux manières de gouverner. Entre Moyen Âge et époque moderne, la valorisation des informations transmises et recueillies oralement cède progressivement la place à une valorisation de celles qui sont diffusées et conservées par écrit. Cependant, les écrits qui nous sont parvenus laissent apparaître une multiplicité de manières d’articuler oralité et écriture et, souvent, un écart entre les formes de médiations les plus valorisées et celles auxquelles on a réellement recours. Afin d’aborder ces questions, les membres de l’équipe mettent actuellement l’accent sur l’étude de deux types de documents écrits : les grandes enquêtes qui se multiplient à partir de la deuxième moitié du 13e siècle et mettent en scène le recours à l’oralité tout en s’appuyant de plus en plus sur des écrits pour connaître territoires et populations et l’étude des correspondances dans des négociations au sein du Saint Empire romain germanique au 18e siècle qui permettent d’observer selon les contextes pourquoi et avec quelles attentes la négociation se déroule à l’écrit ou à l’oral ou, pour le dire autrement, quel est l’effet spécifique de l’opération de mise en écriture d’un contenu linguistique dans un contexte politique ou diplomatique donné. Au-delà de l’étude des formes spécifiques d’articulation entre écrit et oral au sein de l’exercice du pouvoir, ce sous-axe entend également interroger les formes matérielles prises par les écrits de gouvernement. Chartes, lettres, registres, relations, rôles, fascicules imprimés, fichiers sont des formes matérielles de conservation de l’écrit qui renvoient toutes à des ambitions de perpétuation de la mémoire des institutions, mais présentent des capacités de remobilisation des informations très différentes. Il convient également de prendre en compte la diversification des formes d’écrits pragmatiques (multiplicité de types de lettres associées à des usages spécifiques, registres financiers et comptables, inventaires, enquêtes et visites, rôles fiscaux, cadastres, cartes, organigrammes) dont le développement est le signe de nouveaux besoins et de nouvelles ambitions de la part des États, des organes administratifs agissant à différentes échelles, mais aussi des Églises. Le rapport entre ces différents types d’écrit n’est pas stable d’une époque à l’autre et d’un lieu à l’autre. Si ces écarts disent déjà quelque chose des formes d’exercice du pouvoir, l’étude de chaque type de document pour lui-même s’avère indispensable pour tenter de mesurer un autre type d’écart, celui entre les ambitions affichées par ses concepteurs et la réalité de son efficacité en tant qu’outil permettant de connaître des espaces politiques spécifiques, de s’y faire obéir, mais aussi d’y opérer des transformations. En étudiant la formalisation progressive de nouveaux types de documents d’appui au gouvernement, on observe également la construction progressive d’une sphère étatique ou au moins institutionnelle de l’écrit qui n’a, pendant très longtemps, rien d’évident, les officiers et agents divers mêlant très volontiers leurs écrits personnels et ceux qu’ils établissent dans le cadre de leurs fonctions.
Il s’agit également de se demander comment les structures étatiques et ecclésiastiques réussissent, lorsqu’elles y parviennent, à inscrire leur action dans la durée. Dans cette perspective, il convient de s’interroger sur leur volonté et leur capacité à conserver des écrits documentant leurs droits et leurs actions passées. Pour ce faire, les écrits conservés et transformés en archives doivent être envisagés d’abord comme l’expression de choix de conservation de la part des agents du pouvoir, en analysant les objectifs, variables d’une époque à l’autre, de ces choix, au lieu de les envisager seulement comme le résultat d’accidents de l’histoire ou comme le miroir de l’institution dont elles émanent, et le produit « naturel » de la tendance des corps sociaux à garder une trace de leur activité. Une telle approche implique de s’intéresser aux opérations de classement, aux altérations, aux destructions dont les écrits font l’objet. En observant les archives de près, on s’aperçoit en effet qu’elles portent trace des contingences matérielles, des opérations intellectuelles, des visions du monde, voire des conflits et de la violence dans lesquels elles ont été produites. Le choix d’un cadre de classement particulier des archives, qui peut tout à la fois s’appuyer sur des catégories institutionnelles, géographiques et des typologies d’actes écrits, informe autant sur les modes de fonctionnement d’une institution que sur la manière dont elle envisage sa place dans le monde.
Le deuxième sous-axe fédérateur consiste à s’interroger sur le rôle de l’écrit dans le gouvernement des structures étatiques complexes, en particulier celles de type impérial. Certains des collègues impliqués dans cet axe travaillent en effet à différentes époques sur des terrains inscrits dans le Saint Empire romain germanique, les États de la maison d’Autriche et d’autres sur l’Empire napoléonien. On peut y associer une partie des problématiques issues de l’étude des modes d’exercice du pouvoir de la papauté dans l’ensemble de la chrétienté, pouvoir monarchique à ambition universelle. Le cadre impérial, celui d’une monarchie composite, polycentrique, réunion, sous l’autorité d’un même prince, d’États dotés d’un « droit historique », mais plus ou moins fédérés administrativement pose en effet un certain nombre de questions prises en charge au sein de cet axe.
La première question est celle de la plus ou moins grande capacité d’un empire à « voir » ses possessions, à façonner les territoires, les peuples, les réalités sociales. Cette capacité émerge parfois très lentement en dépassant les contraintes matérielles, idéologiques et politiques et peut parfois ne jamais émerger du tout. On perçoit en effet souvent un décalage sensible entre les « fantasmes » de contrôle exprimés par les pouvoirs centraux dans les empires et la réalité que les écrits tentent, tant bien que mal, de dissimuler. La gestion de la communication écrite et du flot de la paperasse bureaucratique est en partie une illusion : la quantité et la qualité de l’information qui afflue vers le centre étaient en définitive très souvent déterminées par les périphéries et par les rapports de force locaux qui leur étaient propres.
La circulation des écrits au sein d’un empire est en effet l’occasion de comprendre comment s’organisent les logiques spatiales de celui-ci et de mesurer l’ampleur de l’apport des régions que l’on aurait trop rapidement tendance à considérer comme des périphéries. Force est aussi de constater que le gouvernement d’un empire par l’écrit n’implique pas automatiquement de vouloir centraliser les écrits en un lieu unique. Il s’agit au contraire de créer des échelons d’écriture et des niveaux d’information que l’étude de dossiers précis (circulation de l’information sur le cadastre, signature d’un traité de commerce, commissions) permet de saisir plus finement que le seul système d’archivage ou l’architecture institutionnelle. Le jeu sur les échelles d’usage de l’écrit est aussi l’occasion d’étudier les formes de résistance par l’écrit développées par certaines communautés locales face aux projets émanant des institutions étatiques en mobilisant à la fois leurs propres cultures de l’écrit ou en remobilisant contre lui des pratiques d’écriture émanant du pouvoir central. La circulation des écrits au sein des empires pose enfin la question de l’usage relatif des différentes langues de l’empire au sein des divers types d’écrits allant de la communication politique à la production de normes en passant par les échanges épistolaires. La plus ou moins grande mobilisation de certaines langues de l’empire est un aspect essentiel de son identité, de même que sa volonté et sa capacité à s’approprier certains concepts élaborés dans une partie de l’empire, afin d’en faire un usage plus général. Il s’agit donc de proposer une étude intégrée des langues et des langages politiques des empires en envisageant les modalités d’échanges entre productions écrites autochtones et productions écrites émanant des institutions centrales comme une technique de gouvernement fondamentale des systèmes politiques impériaux.
Le dernier sous-axe qui nous intéresse et qui permet d’interroger les formes de transmission et de « re- sémantisation » des écrits dans la longue durée consiste à les utiliser pour identifier les modes de circulation des acteurs et des compétences entre les champs lettrés et scientifiques et les institutions étatiques. Dès la fin du Moyen Âge, l’ambition de dépasser la seule domination, parfois très théorique, des territoires et des populations pour tenter de véritablement gouverner ces dernières, conduit à intégrer au sein des cercles d’officiers aussi bien des lettrés formés à l’Université, en particulier dans les disciplines des arts libéraux et du droit, que des personnages dotés de compétences écrites plus pratiques, néanmoins de plus en plus mobilisées à toutes les échelles du gouvernement : savoirs notariaux, comptables, financiers. De l’époque moderne à l’époque contemporaine, ce sont ensuite les savants, praticiens des sciences expérimentales et exactes comme des mathématiques qui rejoignent les rangs des savants mobilisés par les structures étatiques afin d’accroître, en un même mouvement, leur prestige et leur efficacité. Il s’avère ainsi indispensable d’étudier les effets sur les formes prises par les écrits de gouvernement des cultures propres à chacun de ces groupes professionnels, dont l’identité et la puissance sociale se construisent parfois en partie grâce aux moyens et aux formes de légitimation apportées par la participation à l’exercice du pouvoir.
Il s’agit également d’essayer de mesurer les effets sur les techniques de gouvernement de l’intégration dans les pratiques étatiques de ces différents types de compétences : recours aux langages techniques (juridique, mathématique), usage de différentes formes de rhétorique et de modèles argumentatifs, formes de rationalisation de l’enregistrement et de la remobilisation des informations, culture de la mesure et de l’évaluation des politiques (ou leur absence).
Cette histoire est enfin celle d’une volonté de contrôle des institutions étatiques sur les modes de production des nouveaux savoirs scientifiques et sur les lieux où on les enseigne. Il s’agit ici d’étudier les écrits produits par les institutions de gouvernement pour tenter d’orienter, parfois de censurer et également d’organiser des structures de formation et de recherche propres à assurer la politique de puissance des États dans le cadre de formes de concurrences entre eux, qui tendent parfois à évoluer en formes de coopération. Il convient également de voir comment les institutions de formation et de recherche répondent à ces injonctions étatiques ou comment elles tentent de faire valoir leurs propres agendas dans un jeu d’interaction constant entre volonté de défendre les libertés académiques et la recherche fondamentale, nécessité de répondre aux attentes des pouvoirs publics et instrumentalisation de ces dernières au service de l’affirmation de certains champs du savoir en concurrence avec d’autres anciennement privilégiés. `
Ainsi à titre d’exemple si le projet « Faire collection » est retenu, il éclairerait les pratiques de l’État dont l’attention pour les archives des sciences et des techniques oscille entre indifférence, mépris ou grand intérêt pour des motifs financiers, économiques, juridiques et réglementaires. Les solutions de continuité en la matière sont extrêmement signifiantes de la place des sciences et des techniques tant du point de vue de l’État que de celui des citoyens dans les sociétés observées. Ainsi, en dépit du volume de documents, de données et d’objets produits et très inégalement conservés, la période contemporaine reste peu étudiée par les historiens des sciences. Ce projet ambitionne de restituer la complexité de l’activité de recherche dans son entièreté et d’en souligner les répercussions qui sont autant scientifiques que sociétales en cherchant à éclairer les positions contradictoires, voire ambiguës, des différents gouvernements.
Les études sur la période révolutionnaire prise dans son ensemble des révolutions anglaises, américaines, françaises, européennes et sud-américaines entre 1680 et 1820, durant un long 18e siècle, regroupent un très grand nombre d’enseignants-chercheurs, de chercheurs et de doctorants du laboratoire IHMC. La parution du volume 103 des Archives parlementaires, la volonté affichée du conseil de laboratoire et de la direction de l’IHMC font de ces recherches révolutionnaires un axe fédérateur, porteur, innovant et stimulant tant du point de vue des parutions à venir sur support numérique que par les champs de recherches envisagés s’inscrivant dans une perspective de recherches mondiales.
Cet axe Révolution(s) constitue un axe dynamique qui s’appuie sur trois outils essentiels :
L’histoire politique de la Révolution est un des marqueurs identitaires les plus forts des recherches menées au sein de l’IHMC. Cette histoire se structure autour de thèmes différents dont celui, essentiel, de la reconstitution de la vie parlementaire, via les AP. Il s’agit d’étudier le travail des députés chargés de discuter, de voter les lois mais aussi, de la fin de la Convention de frimaire an III à brumaire an IV, de mener la politique du gouvernement avec ses comités et de se tenir à la disposition de la nation pour le jeu des correspondances permanentes avec les citoyens. Après la parution du volume 103 des Archives parlementaires, le prochain quinquennal aura pour objectif d’inventer de nouvelles Archives Parlementaires pour terminer ce qui a été commencé et que la technologie contemporaine autorise désormais. Une équipe de recherches au sein de l’IHMC est constituée pour élaborer et construire un nouvel outil à destination de la communauté des historiens et des citoyens. Autour de ce travail se tiendront séminaires, colloques et rencontres internationales.
Depuis 1978, une des missions premières de l’IHMC est de produire des outils de recherche destinés à la communauté nationale et internationale des historiens. Ses membres ont ainsi accompagné les grands renouvellements historiographiques en assurant notamment la publication de la Bibliographie de l’histoire de France, de guides de sources ou encore en établissant des prosopographies et des bases de données. L’IHMC entend continuer à remplir cette mission, l’ensemble de ses membres se mobilisant en faveur de la production et de la publication numérique des Archives parlementaires (AP) de la période révolutionnaire. Si l’IHRF (UMS jusqu’en 2016) est maintenant intégré à l’IHMC, la mission qui fut la sienne relève désormais de ce dernier : la production des Archives parlementaires. Pour arriver jusqu’à la fin du Directoire, il reste donc presque cinq années de débats parlementaires à publier, soit la moitié d’un travail commencé en 1856.
Volet 1 : relancer la publication des volumes papiers
Publier les Archives parlementaires relève d’un travail de recherche particulièrement lourd et exigeant : il ne s’agit pas seulement de collecter et d’éditer les procès-verbaux des séances (conservées aux Archives nationales), mais de réunir également les textes présentés à la barre des assemblées successives (pétitions) et ceux publiés dans différents journaux (afin de pouvoir notamment reconstituer la teneur des débats parlementaires). D’où les lenteurs de cette entreprise éditoriale qui a requis jusqu’en 2016 un poste d’ingénieur d’études à temps plein. Depuis plusieurs années, les membres de l’IHMC-IHRF ont dirigé différents chantiers qui ont permis la numérisation de nouveaux corpus de textes de lois désormais mis en ligne sur le site de l’IHMC-IHRF : on trouve ainsi les 26 000 lois « législatives » imprimées par François-Jean Baudouin (1759-1835) au sein de la Collection générale des décrets dite « Collection Baudouin » ; les 3 000 lois « exécutives » imprimées par Jacques Anisson-Dupéron (1749-1794) au sein de la Collection générale des lois dite « Collection du Louvre » (cf. https://artfl-project.uchicago.edu/collection-baudouin). La numérisation de ces différents corpus permet d’alléger considérablement le travail de collecte nécessaire pour les AP, en intégrant désormais plus étroitement ces dernières à ces corpus disponibles en ligne.
Depuis 2022, les membres de l’IHMC ont formé un comité chargé de penser les futures modalités de publication et de travail des Archives parlementaires. Sans perdre en qualité, il s’agit de permettre une accélération du travail de collecte et d’édition en s’appuyant sur les outils numériques et les matériaux numérisés à disposition. Il est ainsi nécessaire d’inventer de nouveaux protocoles de travail en gardant les éléments essentiels (signalés dans les procès-verbaux...) tout en capitalisant sur les ressources d’ores et déjà mises en ligne, voire sur les potentialités des moteurs d’Intelligence Artificielle. Ainsi, il s’avère urgent que l’une des tutelles assume la contrainte technologique qui impose aux historiens de penser un nouveau mode de publication des AP en attribuant un support d’ingénieur de recherche Huma-Num afin de produire les AP avec eux.
Volet 2 : Poursuivre la valorisation numérique des volumes publiés
Ce volet comprend trois parties distinctes : l’achèvement de l’édition numérique, la reprise de l’OCR, l’amélioration des fonctionnalités de recherche. La relance du travail de publication des AP viendrait s’ajouter à l’importante opération de numérisation des volumes papiers menée depuis plusieurs années : cette opération constitue encore un enjeu essentiel à l’échelle internationale et le laboratoire s’y investit totalement par l’intermédiaire d’une technicienne. À partir de 2011, la Bibliothèque interuniversitaire de la Sorbonne, l’IHMC et Persée ont en effet travaillé ensemble pour proposer une version numérique enrichie de la totalité du corpus publié, volumes récents – donc sous droits – compris. Cette édition numérique propose un balisage fin et intégral du texte (suivant une typologie d’une trentaine de catégories), ainsi qu’une indexation des députés prenant la parole. Grâce à des financements non récurrents de la BIS, de CollEx-Persée et du Sénat, la moitié du corpus édité est traitée et accessible sur un site dédié : https://archives-parlementaires.persee.fr/ . Gratuit, simple d’usage, facilitant l’exploitation et l’interrogation précises, il est tout à la fois utile à la recherche historique ou juridique et propre à satisfaire les citoyens et citoyennes curieuses de leur histoire.
En octobre 2022, 52 volumes restent à traiter suivant la méthodologie définie en 2011 : numérisation, océrisation, balisage des interventions et indexation des intervenants. Le traitement proprement dit est à effectuer dans l’infrastructure Persée dont la chaîne de mise en ligne a fait ses preuves. L’interface publique a, quant à elle, été récemment rénovée grâce à des crédits CollEx-Persée ( https://www.collexpersee.eu/projet/archives-parlementaires-de-la-revolution-francaise/ ) ; elle est pleinement fonctionnelle.
L’archivage pérenne des données est assuré. Les équipes, tant chez Persée qu’à la Bibliothèque de la Sorbonne, sont formées et aguerries ; il s’agit d’accélérer le rythme en recrutant une personne supplémentaire pour terminer dans un délai maîtrisé de moins de deux ans la mise en ligne du corpus complet. Les volumes traités ont fait l’objet d’une océrisation dont la qualité peut être améliorée grâce au développement de nouveaux logiciels. Cette opération permettrait d’améliorer la qualité de l’interrogation par mots. Enfin, il serait possible d’améliorer de façon très importante l’exploitation et la valorisation scientifique du corpus. L’utilisation de méthodes récentes et performantes de balisage automatique, via une intelligence artificielle, permettrait en effet d’étendre l’indexation du corpus, actuellement limitée aux intervenants, à l’ensemble des noms de personnes et de lieux, favorisant des recherches et des modélisations pour l’instant impossibles étant donné la masse de données à brasser.
La poursuite de la production des AP, couplée à l’opération de numérisation des volumes papiers existants, forme donc un projet scientifique massif et tout à fait cohérent. Il s’inscrit dans les chantiers de recherches des membres de l’IHMC : de l’histoire politique et institutionnelle à l’histoire coloniale, en passant par l’histoire de la police, des relations internationales ou encore par l’histoire des sciences, l’étude de la période révolutionnaire constitue l’un des objets particulièrement porteur et dynamique du laboratoire. Mais au-delà du cercle étroit des spécialistes de la Révolution française, mettre à disposition de tous, les archives des premiers débats parlementaires de l’histoire de France est l’un des enjeux les plus importants de cette opération.
Dans l’attente de l’attribution de ce poste, parions pour la publication du volume 104 dans les prochaines années.
Loin d’être réduite à des dynamiques métropolitaines, la Révolution française exacerbe les conflits déjà existants dans les colonies, notamment ceux qui opposent colons et administration coloniale. Elle met en avant les attentes des libres de couleur et des esclaves. La Révolution française en s’opposant à l’Europe coalisée provoque une reconfiguration des alliances dans le cadre de la guerre civile qui se développe dans les colonies. On voit des esclaves servir l’Espagne, la France ou la Grande-Bretagne au gré des événements. La question de l’armement des esclaves et des libres de couleur est au cœur du questionnement des puissances coloniales. L’idée et la pratique de l’égalité des droits se développent. Toutefois, parallèlement à cet égalitarisme, l’idée que l’autre appartient à une race différente fait son chemin. L’étude du rétablissement de l’esclavage qui se fait parallèlement à l’indépendance de Haïti mérite une attention dans le cadre de sa dimension internationale.
L’enjeu n’est pas ici de relancer un goût éditorial ancien (La vie quotidienne à l’époque de...), mais de saisir sous un nouveau jour les dynamiques révolutionnaires, tant dans le prolongement de l’intérêt des sciences sociales pour le quotidien et l’expérience qui en est faite par les acteurs sociaux, que de travaux internationaux récents autour de la période révolutionnaire, dont plusieurs ont été initiés par des membres de l’IHMC[2] . Il s’agira ainsi de répondre à plusieurs questions qui, en permettant de scruter la manière dont les contemporains ont vécu les révolutions de la fin du 18e siècle, les ont éprouvées personnellement, la manière dont ils s’y sont situés – notamment dans le temps – et s’y sont liés aux autres pourraient permettre de nourrir une réflexion renouvelée sur ce qu’est un « événement » à hauteur d’individu. Comment vit-on face au régime d’incertitude créé par la Révolution ? Comment s’y adapte-t-on ? Comment tente-t-on de contrôler cette incertitude nouvelle, de lui donner sens ? Comment interprète-t-on, à chaud, ce qui est en train de se passer et qu’est-ce que cela implique pour soi-même ? Comment s’y déplace-t-on dans l’espace physique et social ? De quelle matière (matérielle ou immatérielle) est fait un quotidien en période révolutionnaire ? Quelle place, dans l’économie du temps vécu, la politique et le politique prennent- ils exactement ? Voilà le type de questions auquel nous souhaiterions pouvoir répondre.
Créé en 494 (AEC) par la plèbe romaine pour se défendre contre les atteintes des dominants, le Tribunat de la plèbe est l’une des institutions politiques les plus originales qui soient. Si l’institution survécut, sous diverses formes, dans certaines républiques italiennes du Moyen Âge, Machiavel transmit à la modernité la conscience de sa centralité pour le développement de l’idée républicaine. Robespierre s’inquiéta pourtant de ce que « la protection des tribuns » dût supposer « l’esclavage du peuple » et il proposa de renvoyer la puissance tribunitienne « à chaque section de la République ». Où situer alors les fonctions tribunitiennes ? Débattu en 1793, le potentiel démocratique de cette institution n’était pas également perçu par tous les révolutionnaires. La constitution de l’an VIII (1799), en s’appropriant le nom de Tribunat, abandonna la chose et, en France, signa aussi sa neutralisation plus ou moins définitive. Il s’agira, au sein de l’axe « Révolution(s ) », de tenter de reconstruire ce que les hommes de 1789-1799 comprirent de cette institution et comment ils la transformèrent. Mais la persistance d’une aristocratie de la richesse conduisait encore à se demander, par exemple en 1849 en Italie ou en 1999 au Venezuela, s’il pouvait exister de véritable Constitution sans tribunat de la plèbe. Aussi, l’enquête sur les formes et les transformations du tribunat doit-elle s’élargir aux cas où l’expérience et les débats de la Révolution française restent une référence.
Le Directoire est désormais mieux connu. Il n’est plus possible d’écrire qu’il est le parent pauvre des études révolutionnaires face à la période 1789-1794 ou bien la période consulaire, puis impériale. Pour autant, il reste beaucoup à découvrir sur cette expérience originale de république libérale qui, pour construire un projet républicain, inclut l’éducation, la culture, les arts, les sciences, les relations diplomatiques, la question économique et coloniale, celle de la guerre et la problématique sociale à des échelles spatiales différentes. Le Directoire offre un laboratoire expérimental exceptionnel de ce que fut, en temps de guerre, la naissance d’une république dont l’objectif est clairement la paix victorieuse fondée sur un projet de société construit à partir de la diffusion des savoirs, comme héritage confiant du Siècle des lumières dans sa traduction concrète, forme de réalisation d’une utopie politique, ce qui n’empêche nullement les échecs, les impasses, les répressions du mouvement populaire ou la continuation de la guerre. L’objectif est de repenser les fondements du 19e siècle non plus à partir de l’héritage du Consulat, mais bien avant, en déplaçant le curseur en 1795.
La question de l’écriture de l’histoire et de la mise en récit de cette période cruciale pour l’histoire de la République française sera posée à partir de thématiques susceptibles de créer des chantiers communs tels que « la sortie de l’état d’exception », « le gouvernement de la Raison » ou « l’écologie républicaine ».
L’ensemble de ces perspectives présente une complémentarité autour de la question politique et s’insère au-delà du laboratoire dans la réflexion sur la crise des démocraties contemporaines, renvoyant à un véritable projet scientifique et civique. Le projet est trans-périodes car il importe d’avoir une problématique qui puisse commencer dans l’Antiquité et se poursuive jusqu’à nos jours. Le projet s’inscrit donc dans une volonté assumée de renforcer la thématique de la politique au cœur de la recherche pour comprendre les Révolutions et se poser la question de leur actualité au travers du questionnement historien.
Une des spécificités de l’IHMC est de permettre le travail collectif entre historiens et historiens de l’art. Depuis 2017, la position des historiens de l’art au sein de l’IHMC s’est renforcée, comme en témoigne son attractivité auprès des chercheurs, des doctorants ou des post-doctorants qui travaillent sur les thématiques liées à l’histoire des objets et des collections ou à l’histoire sociale des mouvements artistiques. Il s’agit, pour les prochaines années, de renforcer la visibilité de l’histoire de l’art en l’associant à celle sur l’histoire du patrimoine dont les problématiques (Urbex...) connaissent également un important renouvellement.
Dans la lignée du précédent quinquennal, le sous-axe « Collections et patrimoine » interrogera la constitution de collections et de patrimoines dans une approche transnationale et globale, en lien avec les renouvellements historiographiques récents venus de l’histoire des musées et du patrimoine. Ce thème répond aux grandes inflexions historiographiques qui ont touché ces différents domaines et qui rendent possible la convergence de chercheurs venus de disciplines différentes au sein de l’IHMC. L’histoire des savoirs en collection (description, catégorisation et dispositifs cognitifs) a été enrichie depuis une vingtaine d’années par les travaux venus des sciences de la conservation et du patrimoine qui interrogent la matérialité des œuvres, des artefacts en collection. Les recherches menées lors du précédent quinquennal à l’IHMC sur la matérialité du tableau, l’historicité des pigments, les stratégies de diffusion et de collecte seront prolongées dans les années à venir. Un fil conducteur interrogera les croisements entre histoire de la culture matérielle et histoire des collections, à travers l’histoire sociale des intermédiaires, collectionneurs et consommateurs. Il permettra de saisir la biographie de ces artefacts dont le statut est instable et la valeur volatile, entre trophées, curiosités, œuvres d’art et objets de savoir. Ces thématiques bien ancrées à l’IHMC seront, de surcroît, mobilisées pour le projet « Faire collection[3].
L’entrée chronologique retenue pour ce sous-axe, du 18e au 20e siècle, permettra d’interroger les phénomènes de collecte et de patrimonialisation dans un contexte impérial et global et la naissance des musées ‘universels’ occidentaux en lien avec le développement de formes de collecte et d’expertise en contexte global, au-delà du contexte européen. Un autre fil conducteur interrogera la mobilité des différents acteurs impliqués dans la collecte d’images et artefacts (artistes et dessinateurs, savants, agents des musées et intermédiaires) ainsi que le contexte géopolitique de ces pratiques de collecte.
Une autre problématique passe par une histoire globale des lieux abandonnés, de leurs usages et de leur éventuelle patrimonialisation. Les mouvements de l’histoire conduisent à l’abandon et au délaissement de bâtiments qui ne sont plus utiles, que l’on ne souhaite plus entretenir ou encore que des causes externes (révolutions, guerres, chocs économiques...) ont brutalement fait quitter. Certains tombent en ruine, d’autres, et parfois les mêmes, deviennent des friches (définies comme des terrains qui ont perdu leur fonction). Mais l’abandon n’est pas sans histoire, ni sans histoires. L’exploration urbaine, appelée couramment urbex, est un phénomène culturel récent qui consiste à explorer des lieux abandonnés sans y laisser de traces. Ce domaine de recherche, autour de Nicolas Offenstadt, a pris toute sa place au sein de l’IHMC. Si ce phénomène et surtout son accroissement sont plutôt inédits, l’attrait pour les ruines, les friches et les lieux abandonnés sont beaucoup plus anciens. Développée à partir des années 1970 aux États-Unis, en Allemagne et en URSS, puis plus largement en France dans les années 1990, l’urbex est profondément liée à l’utilisation de la photographie et à l’essor des réseaux sociaux. Malgré tout, cette pratique reste assez décriée dans certains milieux, accusée de ruin-porn, de tourisme macabre ou d’une soif excessive d’aventures illégales. Pourtant, l’urbex relève d’une forme de résistance politique face aux stratégies de surveillance accrues de l’espace urbain[4].
Les géographes ont proposé quatre temps principaux pour comprendre les friches que l’on peut adapter et résumer ainsi : l’avant-friche (le moment où l’activité devient très réduite), le temps d’abandon, le renouveau des enjeux et puis la reconversion. Lors de toutes ces étapes, les bâtiments suscitent des curiosités multiples, trouvent de nouveaux usages souvent sauvages et illicites : visites, fêtes, petits commerces, trafics... Dans certains cas, des enjeux de « patrimonialisation » interfèrent dans ces usages plus opaques. Les reconversions ont aussi leur histoire et elles ne sont pas irréversibles. Cette recherche entend conduire une histoire globale de ces lieux à partir d’historicisation de cas précis, tout en proposant d’écrire, une histoire de l’abandon qui renouvellerait la problématique des lieux de mémoire.
Ce deuxième sous-axe entend interroger le canon artistique dans sa dimension à la fois intellectuelle et économique à l’époque moderne et contemporaine. L’histoire des marchés artistiques a fait l’objet de réflexions nouvelles dans un contexte de pluralisation des valeurs esthétiques. Un fil conducteur interrogera les formes des marchés artistiques : histoire des prix et du coût de l’art, histoire des ventes aux enchères, de la consommation de luxe et des phénomènes spéculatifs. Une deuxième perspective sera d’explorer les évolutions de l’écriture de l’histoire de l’art à l’époque de son institutionnalisation, entre les 19e et 20e siècles, par une analyse à la fois des discours et des pratiques. On s’intéressera notamment aux mobilités des acteurs, ainsi qu’aux circulations de notions et de modèles méthodologiques, et à leurs supports. Dans ce cadre, un cycle de colloques internationaux (IHMC, Università degli Studi di Torino, Université de Fribourg) étudiera les usages de la correspondance chez les historiens de l’art et interrogera en particulier la spécificité de cette pratique dans le cadre d’une discipline pour laquelle l’écrit fournit des substituts verbaux à une image ou un objet manquant.
La convergence des travaux des axes « Savoirs et patrimoines » et « Villes et environnements » du précédent programme nous a amenés à croiser les problématiques et à mieux penser les convergences entre les travaux menés par les membres de ces axes. Cette redistribution des cartes permettra de créer des dynamiques entre plusieurs champs de recherches : celui de l’histoire des sciences et des techniques (production, circulation, appropriation des connaissances, lieux et pratiques), de l’histoire culturelle (construction des imaginaires, historicisation des catégories par lesquelles les environnements et les vivants sont perçus, éducation), de l’histoire politique (instruments de gouvernement de l’environnement et des populations, institutionnalisation des savoirs et expertises).
L’axe est structuré autour d’une thématique transversale, la justice environnementale, et de trois thématiques principales. La question de la justice environnementale, en effet, permet de traiter des inégalités, face à l’accès aux ressources (qui peuvent être conçues dans un sens très large : naturelles, énergétiques, paysagères par ex.), aux pollutions, aux catastrophes naturelles, portant sur le genre, l’appartenance sociale, la localisation géographique (en métropole ou dans des colonies). Sans parler des rapports entre humains et non-humains, bien entendu centraux dans cette approche. Par là même, cette notion structure la façon dont les thématiques de cet axe sont saisies. Elle permet de formuler de manière originale la question de l’expertise et de l’invisibilisation des savoirs vernaculaires, et de retracer les mécanismes d’exploitation, d’appropriation et d’acculturation autour de la gestion des ressources ; elle suggère d’autres façons d’imaginer les rapports entre vivants dans l’espace urbain ; elle interroge à nouveaux frais les lieux et les pratiques de soin. C’est un thème qui permettra aussi de créer des liens avec l’axe « populations, circulations, migrations » au travers des migrations climatiques par exemple, ou avec l’axe « Guerres, conflits et dominations » autour de la question des réparations des dommages de guerre.
L’approche d’histoire sociale, qui a toujours été celle de l’IHMC, exige que l’on prête attention aux acteurs et aux dynamiques socio-culturelles qui en définissent les profils, les parcours, les stratégies. Or, les enjeux environnementaux, notamment de pollution et de climat, sont progressivement saisis, particulièrement depuis le 19e siècle, par des experts, parfois autoproclamés. C’est une figure qu’il faut continuer à interroger, pour intégrer les stratégies des États comme des groupes sociaux et des entreprises. Face à cette institutionnalisation de certaines connaissances, il convient de prendre en compte les savoirs invisibles ou invisibilisés – par la censure, un mépris social ou scientifique, ou par des stratégies d’obstruction : ceux des femmes en lien avec une nature « ordinaire » nécessaire à la survie du quotidien ; ceux des pratiques populaires, par exemple dans la gestion des eaux et des forêts ; ou encore ceux des savoir-faire domestiques, etc. En s’intéressant aux « savoirs invisibles », il s’agit donc de mettre au jour certains fonctionnements du monde des sciences qui n’apparaissent pas clairement lorsque l’on n’étudie que les institutions, les acteurs ou les théories dominantes. Prendre au sérieux l’invisibilité, c’est ainsi se placer au coeur des processus (institutionnels, sociaux, culturels, voire politiques) à partir desquels se construit le partage entre les savoirs considérés comme légitimes et les autres. Au-delà de chantiers en cours (sur le magnétisme animal ou les « cosmologies » du début du 19e siècle) qui peuvent déjà alimenter cette réflexion, ces enjeux seront traités autour de quatre thèmes principaux.
Tout d’abord dans le cadre colonial, où les rapports de domination et la volonté affirmée des pouvoirs métropolitains de s’assurer une maîtrise particulière de la nature peuvent expliquer l’invisibilisation de certains savoirs vernaculaires et locaux dont la légitimité est sans cesse questionnée. Un chantier de recherche porte ainsi sur l’étude des savoirs agronomiques en Algérie et en Afrique occidentale française et la façon dont les cultures vouées à l’exportation tendent à rendre invisibles des savoirs qui ne permettent pas le même rythme de production, ou la culture de certains végétaux : les stations agronomiques sont en ce sens un lieu central de l’enquête, car c’est là, dans leurs actions de formation, qu’un savoir, mais aussi des pratiques culturales sont élaborés, diffusés, parfois imposés.
Ces processus se retrouvent également en métropole, autour des réflexions sur les pathologies urbaines – pollutions et nuisances de tous ordres. Dans le cadre d’un programme de recherche pour 2023-2024 financé par l’Institut des Études et de la Recherche sur le Droit et la Justice, un projet de recherche se focalise sur l’étude des procès-verbaux d’expertise du bâtiment parisien au 18e siècle, établis lors de contentieux portant sur des pollutions locales (suintement et écoulement de fosses d’aisances) et des pathologies liées aux intempéries (problèmes d’humidité). Il est donc possible d’examiner ici comment les experts, représentants de l’État, s’emparent de ces questions, mais aussi comment les propriétaires et les locataires en parlent et quelle légitimité est attribuée à leur parole. Ce qui est en jeu ici, c’est en quelque sorte le rôle des experts et des pouvoirs publics dans le gouvernement de la terre, de l’eau, des vivants. S’inscrivant dans des travaux en cours sur l’histoire environnementale de l’économie politique en France et en Grande-Bretagne (1776-1870), un projet de recherche revisitera l’histoire de la catégorie de « terre », vue comme facteur de production, à partir des questionnements de l’histoire environnementale, en France ainsi qu’en Algérie et en Nouvelle-Zélande. Un autre projet s’intéressera à la gestion des eaux et à l’aménagement hydraulique à l’époque moderne et au début du 19e siècle, comparant milieux montagneux (Dauphiné, Savoie et Suisse), milieux côtiers (baie de Somme, Médoc, Camargue) et zones de plaine (Orne et Somme) pour penser la construction de la notion de risque naturel, dans le cadre d’une approche transnationale des savoirs juridiques et pratiques de l’aménagement hydraulique et de la gestion de l’eau. Enfin, plusieurs études aborderont l’enjeu de l’ingénierie animale, de ce qu’elle dit de ce partage entre expertise et savoirs « traditionnels » et des nouveaux acteurs (sociétés d’élevages, ingénieurs, etc.) aux statuts et à la légitimité bien différents qui y participent.
Pour finir, l’un des enjeux centraux de cette thématique est celui de l’éducation : quel savoir enseigne-t-on et de quelle manière ? Qui est le plus légitime pour le faire ? Comment ces connaissances sont-elles reçues et utilisées ? Plusieurs chantiers menés par des membres titulaires ou des doctorants portent sur l’étude d’institutions d’enseignement (cf. les écoles centrales du Directoire), les pratiques et les outils pédagogiques (cf. les instruments de physique) et les pratiques pédagogiques. Une approche transnationale des transformations des pratiques d’enseignement entre les 18e et 19e siècles constituerait un cadre de réflexion commune. Si plusieurs membres du laboratoire travaillent sur la question de l’enseignement et de la diffusion des savoirs, certains proposent plus spécifiquement d’appliquer ces questionnements à l’histoire de l’énergie : mettre au jour ce qui est enseigné (à l’école ou hors les murs, par les enseignants, parents, vulgarisateurs scientifiques ou entreprises pourvoyeuses) des différentes énergies depuis le 19e siècle est une étape essentielle pour comprendre les imaginaires structurants des sociétés et les inerties relatives aux changements de systèmes énergétiques.
Ce sous-axe s’inscrit dans la continuité de l’axe « villes et environnement » du précédent programme. L’engouement actuel pour l’étude des natures urbaines renvoie à la fois à une conception vivante de la ville abordée comme métabolisme, dans sa dimension physique à partir des flux de matières et d’énergie et à une étude des écosystèmes urbains dans un esprit conservationniste (inventaires des plantes, des insectes et des animaux, opposition ville-campagne environnante). Tournant le dos au projet modernisateur urbain, à la dichotomie urbain-rural, les historiens sont désormais attentifs à la biodiversité urbaine au-delà des espaces « verts » (parcs, les réserves, les promenades), privilégiant la cohabitation de différentes espèces. Ils cherchent à révéler les infrastructures qui ont permis cette dénaturalisation de la ville (imperméabilisation ou artificialisation des sols, chasse aux nuisibles, etc.) alors même que dans les interstices de la ville comme les friches, la nature reprend ses droits. L’écologie urbaine, d’abord centrée sur la flore, puis sur les animaux dans les années 1980, voit dans la ville une opportunité pour travailler sur des milieux fortement anthropisés s’émancipant de l’étude des milieux naturels.
Dans la perspective d’une histoire longue d’un ancien régime des savoirs de l’écologie urbaine centrée sur la production et la circulation transatlantiques de savoirs naturalistes entre Paris, Londres et New York, une enquête mène une comparaison entre 1650 et 1850. À l’époque moderne, toute une gamme de nouveaux savoirs comme la botanique, la zoologie (en particulier l’ichtyologie), la minéralogie, la chimie, l’archéologie, la météorologie, se tourne vers les villes. La recherche essaie de penser l’idée de frontières naturelles des métropoles qui inclut aussi bien l’étude des territoires végétaux que celle des atmosphères métropolitaines. La question des échelles, ici centrale, est rarement posée dans le cadre d’une histoire environnementale des villes, notamment des capitales. La participation d’un membre du laboratoire au programme pluridisciplinaire « Urbanature. Savoirs et cultures de la biodiversité urbaine (19e-21e siècles) » complète ces réflexions pour la période contemporaine, en interrogeant les façons de penser le vivant en ville et les pratiques de la biodiversité urbaine. De même, étudier la place des « mauvaises herbes » à Paris et le traitement dont elles font l’objet entre 1850 et la Seconde Guerre mondiale permettra non seulement de comprendre les modalités et l’ampleur de l’appauvrissement floral de la capitale, mais aussi de mettre au jour la cohérence d’un projet de contrôle des « nuisibles urbains », humains et nonhumains, entre moralisation sociale et hygiénisme. Ce projet hygiéniste est d’ailleurs inséparable d’une histoire politique des vivants car il implique l’établissement de nouvelles hiérarchies des animaux et des végétaux en fonction de l’homme. Il faut au contraire penser l’histoire avec les animaux, y compris ces animaux « nuisibles » qui peuplent l’espace urbain, en interrogeant leur place dans la cité dans une approche pluridisciplinaire qui se trouve déjà au coeur d’Une histoire mondiale des animaux, à paraître en 2024.
Tous ces questionnements se retrouvent bien sûr hors de la France métropolitaine, comme le montrent les travaux menés tant sur les jardins impériaux que sur les politiques de la nature et la ségrégation urbaine. Des recherches doctorales sur « Le monde végétal face aux pollutions industrielles en France, 1815-1914 » et « Le commerce des fleurs coupées à Paris au 19e siècle », compléteront enfin les travaux de ce sous-axe.
Par cette question de l’ancrage territorial, la dimension médicale de la relation entre l’environnement et les vivants émerge tout naturellement. Profondément enracinée dans la tradition médicale ancienne et médiévale, la question de l’impact du milieu sur la santé et la maladie forme l’objet de théories et pratiques de soin qui s’entrecroisent de manière complexe avec l’émergence d’un projet de gouvernance des territoires et des populations et d’exploitation des ressources. Médecins et autres praticiens – dont le profil professionnel et social ainsi que la hiérarchie évoluent grandement au fil des époques moderne et contemporaine – participent pleinement de ces dispositifs, dont ils tirent une partie croissante de leur légitimité et pouvoir. Des formes de connaissance et d’intervention thérapeutiques sont élaborées et se stabilisent (ou pas) en institutions de soin et instance d’expertise à la fois sur l’homme et la nature. « Soigner la Nature », réparer les atteintes supposées ou réelles à la nature, se double d’une action normalisatrice sur les vivants en ayant recours aux catégorisations changeantes du sain/malsain, sain/pathologique, normal/pathologique.
Dans cette problématique, la question des épidémies et épizooties et de leurs enjeux sanitaires, politiques et environnementaux trouve sa place, ainsi que celle de l’aménagement des milieux urbains et ruraux reconnus comme nuisibles ou, au contraire, bénéfiques. Dans le prolongement des investigations menées par des membres de l’IHMC sur le commerce des plantes et la recherche pharmaceutique, la question de l’exploitation des substances et espèces naturelles qui a déjà été évoquée sera reprise également sous l’angle de la production et distribution asymétrique des médicaments. Il convient également de revenir sur des établissements de santé, tels les hôpitaux et les asiles, dont force est de constater que, malgré une masse considérable de travaux, l’histoire proprement médicale reste encore à écrire, notamment pour les 16e-19e siècles. Sera menée une recherche sur les hôpitaux comme espaces d’innovation médicale à l’époque moderne, dans laquelle conflueront les travaux en cours sur la formation et la pratique chirurgicale. Des recherches doctorales, actuellement menées, s’insèrent également dans ce volet.
Cependant, on ne saurait envisager une réflexion sur les sciences médicales et les savoirs du corps sans prendre en compte l’expérience des malades. Ainsi, dans le cadre du projet Harmonia Universalis, il est prévu de poursuivre le programme de recherche autour du magnétisme animal en s’appuyant sur les différents partenaires du projet. Plusieurs thématiques seront privilégiées. Les saisies des patients et celle des traitements (cf. l’atelier de travail organisé en mai 2023), sur la base de l’Exposé par ordre alphabétique des cures opérées en France par le magnétisme animal, publié en 1826 par Simon Mialle, ont été amorcées, visant à dresser une statistique historique des traitements magnétiques et des maladies concernées, en collaboration avec des spécialistes du domaine de la médecine et de la psychiatrie.
Plusieurs actions communes sont déjà envisagées : un colloque sur la question de la justice environnementale, qui donnera lieu à publication ; une séance (demi-journée) du séminaire commun du laboratoire organisé par chaque sous-axe ; un volume collectif sur « natures urbaines et capitales », dans le prolongement du programme de recherche sur les capitales européennes jadis dirigé par Christophe Charle et Daniel Roche à l’IHMC. Par ailleurs une journée d’étude de et avec les doctorants de l’IHMC travaillant sur les thématiques de l’axe serait programmée pour 2024.
L’axe « Populations, circulations, migrations », qui s’inscrit dans la continuité de l’axe « Mobilités et échanges », utilisera l’expertise et les résultats issus des projets de recherche individuels et collectifs aux niveaux européen (ERC), international (EFA, EFR, etc.) et national (ANR, IUF) des membres statutaires de l’IHMC et de doctorants. Il s’agira de faire converger les différentes approches afin de permettre des discussions fructueuses autour de cette thématique commune. Ces discussions auront lieu au cours d’un séminaire de recherche du laboratoire dédié à cet axe, lors d’événements (journées d’études, colloques, ateliers de recherche etc.) organisés ou coorganisés en France et à l’étranger dans le cadre des projets des membres de l’IHMC, dans le cadre de l’Institut Convergences Migrations, auquel sont affiliés de nombreux membres de l’IHMC (notamment dans le département Global), ainsi que dans les pages de la revue Diasporas. Circulations, migrations, histoire. Cette revue de référence pour les questions d’histoire des migrations, qui sera désormais publiée par les Éditions de la Sorbonne à partir de 2024, est cofinancée par l’IHMC et codirigée par Angelos Dalachanis. En tout, une vingtaine de membres titulaires, associés et doctorants participeront aux travaux de cet axe qui se décline en trois sous-axes : 1/ Méthodologies et trajectoires, 2/ Institutions et mobilités et 3/ Liens et attaches.
Dans la lignée des réflexions menées à l’IHMC depuis sa création sur les méthodes et notamment les approches prosopographiques, ce sous-axe vise à discuter des modalités de reconstitution et d’analyse des parcours de mobilité, et ce dans une perspective translocale et/ou transnationale dans les périodes moderne et contemporaine. Quels sont les outils d’humanités numériques permettant de visualiser et cartographier les trajectoires ? Il s’agit tout d’abord de contribuer à identifier les limites et les possibilités des méthodes prosopographiques sur des populations migrantes : comment rassembler des informations homogènes et comparables à partir de multiples sources, produites dans différents contextes nationaux et dans des séquences distinctes ? Comment réaliser une prosopographie qui n’ignore ni les lacunes, ni les lieux, ni les liens ? Est-il possible d’utiliser des sources telles que des contrats d’affrètement archivés par les chancelleries consulaires françaises et britanniques dans les provinces ottomanes de Tunis et d’Alger sur un long 18e siècle[5], des contrats de mariage dans la Venise des 16e et 17e siècles[6], des recensements des « gens de couleur » de 1777 en France, puis sous le Consulat et l’Empire[7], des dossiers de personnel de la Compagnie universelle du canal maritime de Suez pendant et après la crise de Suez de 1956, des données non sérielles sur les trafiquants d’armes pendant la guerre d’Espagne, ou encore des listes de passagers de bateaux, des dossiers de naturalisation en France, aux États-Unis et en Australie et des dossiers de personnes déplacées de l’OIR[8], pour reconstituer des trajectoires de migrations, et à quelles conditions ? Comment écrire l’histoire de l’émirat du Muhammarah, 19e-20e siècles, disparu avec ses sources et une grande partie de sa population qui s’est répartie dans le reste du Golfe Persique ? Les informations manquantes et les « blancs » dans les sources, typiques des parcours de mobilité, feront notamment l’objet d’une réflexion épistémologique commune qui débouchera sur un numéro spécial de la revue Diasporas. C’est tant à une réflexion sur la collecte des sources et archives des mobilités qu’à leurs différents traitements quantitatifs qu’il s’agit de travailler ensemble. Seront également interrogées les manières visuelles de restituer les moments et durées des déplacements à partir d’outils cartographiques. Ces visualisations ne sont pas uniquement des manières de voir, mais également de repenser les liens entre espaces et de proposer de nouvelles périodisations. On souhaite tester ces possibilités de visualisation sur différents types de mouvements : la circulation des objets liés à des populations mouvantes, notamment des documents d’archives ou du mobilier[9], des navires, des savants et experts[10], les circulations estudiantines, les migrations « huguenotes » vers les colonies néerlandaises et la Côte sauvage, ou encore celles des victimes de persécution. Les défis consistent à proposer des modes alternatifs de pensée et d’écriture de l’histoire connectée dans la longue durée, dans des espaces comme celui de la péninsule Arabique, qui permettent de rompre avec le schème de l’exceptionnalisme, de relier des espaces connus de façon très hétérogène et de rapprocher des sources disparates. D’un point de vue méthodologique, ces recherches visent à développer l’utilisation d’outils (« Vistorian ») et de modes innovants de visualisation géomatique.
Ces interrogations méthodologiques ne font pas l’économie d’une analyse réflexive sur les modes de comptage et de quantification de la mobilité. Reconstituer des itinéraires conduit nécessairement à aborder les questions des identifications, catégorisations, variabilité des statuts et des identités selon les moments et les lieux. La question du comptage des biens et individus mobiles induit la nécessité d’une approche critique des dénombrements, recensements et autres sources comptables. Ainsi l’analyse des recensements de 1777 en France, puis sous le Consulat et l’Empire, sources produites pour compter les esclaves et « gens de couleur », permet d’écrire l’histoire de l’administration et des juridictions sur ces populations. Les « comptes reçus et envoyés » de la compagnie Salviati de Lyon (1509-1533) contiennent des informations sur les produits, les marchands et les places avec lesquels la maison travaille et permettent de dessiner l’espace dans lequel se déploie l’activité commerciale, d’identifier les acteurs impliqués, les points de liaison et les zones de productions. Le colloque international « Quantifier la Shoah. Classer, compter, modéliser, quelle contribution à l’histoire de la Shoah » (2024) reviendra à la fois sur la production de nombre de victimes et sur les atouts et limites des différentes méthodes de quantification sur le terrain de la persécution. Discuter ensemble des différentes modélisations possibles de données sur les parcours et les mobilités constitue l’un des horizons de nos réflexions.
Le deuxième sous-axe vise à étudier les échanges et leurs contrôles à travers les institutions qui encadrent les phénomènes migratoires, les mobilités, les circulations légales ou illégales des objets, que ce soient des marchandises ou des oeuvres d’art et des hommes. Il s’agit tout d’abord d’étudier la multiplicité des acteurs qui encadrent ces mobilités (acteurs privés, familles, administrations, réseaux marchands, institutions étatiques et diplomatiques…) et leurs coopérations et conflits. Quelles sont les formes de collaboration entre l’institution ecclésiastique et la société vénitienne des 16e et 17e siècles, pour discipliner et imposer des normes de comportements aux personnes mobiles, alors que peuvent se dissimuler des situations de polygamie ? Ou encore, si la Compagnie de Suez joue un rôle clé dans l’encadrement des mobilités du personnel européen après la nationalisation de 1956, comment négocie-t-elle avec les autorités consulaires, les travailleurs et leurs familles ?
Il s’agit aussi d’éclairer l’histoire des relations ordinaires entre les individus et les administrations. Comment les statuts définis par les autorités se traduisent-ils dans le vécu des migrants ? Cette interrogation se pose pour les différentes catégories de « gens de couleur » et les esclaves sur le continent européen au 18e siècle. L’étude des formes d’encadrement de la mobilité conduit aussi à analyser le travail et de la vie intime des « gens de couleur ». Reconstruire exhaustivement les itinéraires transfrontaliers des victimes des persécutions antisémites dans le monde du premier 20e siècle amène à étudier concrètement la diversité des pratiques nationales de gestion des populations étrangères, en interrogeant leurs effets sur les parcours individuels et collectifs. En outre, ces institutions, intervenant à différentes échelles, sont productrices des qualifications de légalité/illégalité, de formalité/informalité. Un socle d’interrogations communes sur l’élaboration du droit, des règles et de leurs contournements réunit un certain nombre de membres de l’IHMC, autour par exemple du « droit de naufrage » en Méditerranée et de ses contestations à l’époque moderne, autour des naufrages et des captures par des corsaires, ou encore autour des acteurs des circulations illégales en Méditerranée (prostitution, stupéfiants, armes) dans des opérations d’envergure transnationale au 20e siècle. Ces recherches rendent compte de l’agentivité des acteurs et soulignent la porosité entre les sphères légales et illégales.
Ce sous-axe vise à comprendre la dynamique des liens et des attaches que les migrants, les membres des minorités ou d’une diaspora entretiennent entre eux/elles, avec leurs communautés et leurs familles, ainsi qu’avec leurs lieux d’origine. En travaillant de manière critique à la définition de ces liens et à leurs rôles à différents moments et dans différents contextes, il s’agit de peser comment ils jouent à la fois comme ressources et comme contraintes dans les mobilités. Dans ce cadre, la notion d’attachement s’avère d’une grande utilité. Elle permet de rappeler que les attaches entre les individus et les lieux sont certes des vecteurs d’entraide, mais constituent aussi, parfois, des fardeaux. L’éloignement, de temps et d’espace, affaiblit-il les liens entre ceux qui partent et ceux qui restent ? À quel prix ceux-ci sont-ils maintenus, quels types de ressources les personnes mobilisent-elles pour préserver des relations à longue distance ? La confrontation des terrains des membres du laboratoire permettra de réfléchir aux manières de saisir et de définir ces liens dans une grande diversité de sources : liens d’ascendance-descendance-alliance dans les sources démographiques et recensements de population, liens résidentiels et de relations au pays d’origine via l’étude de la domiciliation des capitaines de navires et de leurs vaisseaux dans les amirautés de Provence, ou aux pays imaginaires, liens associatifs. Puis, il s’agira de saisir si ces liens ont un effet sur les modèles de migration et sur les formes des trajectoires. Porter le regard sur les espaces interstitiels des mobilités (navires, moments du voyage, migrations temporaires…) engage à envisager ces liens sans les réduire au schème d’une linéarité entre départ et arrivée.
Ces recherches permettent de réfléchir aux attaches avec les communautés, les villes et les pays d’origine. Elles conduisent à envisager les situations de minorisation (huguenots, juifs, Grecs orthodoxes) comme un laboratoire d’observation des stratégies de résistance et d’adaptation face aux tendances à l’homogénéisation culturelle et aux nationalisations. Ces interrogations sont menées à partir de l’étude des constructions identitaires à travers culture matérielle, pratiques religieuses, linguistiques et matrimoniales. Plusieurs enquêtes articulent ainsi migrations et marché matrimonial : le déséquilibre de sex-ratio dans les zones d’immigration et d’émigration, l’accès aux ressources locales par le mariage, le franchissement des frontières confessionnelles dans le cadre de mariages mixtes. Un projet collectif autour des cimetières communautaires, dans la longue durée, fédère ces interrogations : quels sont les liens qui jouent au moment de la mort des migrants ? L’étude de déplacements de cimetière, de l’édification de « carrés » confessionnels, de l’absence de sépulture ou d’invisibilisation sera menée sur différents espaces, populations et périodes.
Dans le cadre de l’IHMC, avant l’élaboration de cet axe de recherche, de nombreux travaux d’histoire de la guerre ont été réalisés par des chercheurs et des doctorants. Ces recherches, intégrées lors du précédent rapport dans l’axe 1 « Conflits et territoires de l’époque moderne et contemporaine », appliquèrent une méthode traitant l’histoire de la guerre comme un art combinatoire engageant une grande diversité de facteurs et de caractères. Cette capacité à prendre en compte les interactions entre ces différentes données a beaucoup contribué à enrichir le domaine de l’histoire militaire, comme le souligna la demi-journée du séminaire commun de l’IHMC du 7 juin 2019 consacrée aux « sorties de guerre ». L’histoire militaire a alors été définie comme un art combinatoire. Le traitement du caractère combinatoire permet de prendre en compte la particularité du secteur militaire et des phénomènes guerriers, en y intégrant des caractères extérieurs ne s’y appliquant pas de façon absolue, mais interactive. La guerre a des implications sociales, politiques, économiques, culturelles, religieuses, etc., qui s’appliquent dans ce domaine de façon particulière. À l’inverse, la guerre peut aussi provoquer des effets dans ces domaines variés. La logique combinatoire favorise donc la prise en compte de la particularité de chaque domaine et les modalités et conséquences de leurs interactions, permettant ainsi de ne pas réduire la guerre à une essence interne ou externe. Ce caractère combinatoire permet donc aussi d’articuler l’histoire de la guerre avec les autres axes de l’IHMC. Dans cette perspective, il est essentiel que l’IHMC renforce sa position au sein du programme « Sorbonne War Studies » porté par l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne à la création duquel ses membres ont pu participer (Hervé Drévillon est membre du Comité de pilotage)[11].
L’application de cette logique combinatoire permet de prendre en compte, à partir de la guerre, les conflits et les dominations. Dans la période très contemporaine, avant la guerre en Ukraine, la notion de guerre ne semblait plus s’appliquer (du moins en Europe) aux conflits armés et, dans une plus vaste chronologie, la guerre pouvait s’insérer dans des logiques conflictuelles intégrant d’autres facteurs des relations internationales et des domaines coloniaux. À l’intérieur des cadres nationaux, la guerre pouvait se prolonger par des conflits engageant le corps militaire exerçant des actions policières. Dans la France moderne, le domaine militaire joua un rôle particulier dans les conflits religieux. Après les guerres de Religion et, à partir de la « raison d’État » théorisée dans les années 1630, le domaine militaire surmonta les conflits religieux dans l’armée après la révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV en 1685. À une époque où Louis XIV menait des guerres contre des États protestants, l’armée française incluait des soldats protestants, sans projeter une essence religieuse sur le domaine militaire et donc en prenant un rôle particulier dans les conflits religieux. Cette question soulève la problématique des dominations. La guerre était une modalité de domination comme l’indique la notion de « roi de guerre » élaborée par Joël Cornette. Toutefois, audelà du caractère extraordinaire de la guerre lié au pouvoir absolu, les modalités de commandement militaire ne se réduisaient pas à l’application de l’absolutisme, car la guerre imposait certains facteurs particuliers en relation et pas en totale soumission avec l’autorité royale. Ce sujet a été notamment traité lors du colloque « Décider en guerre. Des campagnes de Louis XIV à l’âge des Révolutions » organisé, les 24 et 25 novembre 2022 par des doctorants et membres de l’IHMC. La méthode et l’ambition du sous-axe « Guerre et politique », qui intègre la guerre, les conflits et les dominations y ont été exposées.
Comme l’avait suggéré Clausewitz en définissant la guerre comme « la continuation de la politique par d’autres moyens », la relation entre ces deux domaines est étroite. Toutefois, comme le suggéra aussi ce théoricien, un type d’analyse a eu tendance à projeter sur la guerre une essence politique illustrée par des concepts tels que la « guerre totale » appliquée à la Révolution et les « guerres en dentelles » pour la période des Lumières. Or, ces projections essentialistes ne s’appuyaient pas sur une analyse précise et interactive des relations entre la guerre et la politique. La prise en compte de ce caractère interactif doit donc se fonder sur les modalités d’insertion de la politique dans la guerre et inversement de la guerre dans la politique.
En complément du pouvoir du « roi de guerre », la guerre et plus généralement le domaine militaire existant aussi en temps de paix, contribuèrent aussi à l’opposition à la monarchie absolue comme le révélèrent, en 1777, la notion de « constitution militaire » et, précédemment, les mémoires de Vauban conseillant à Louis XIV de se soumettre à l’économie et à la démographie de la nation et aussi aux principes de la guerre. Au-delà de ces formulations théoriques, des pratiques politiques furent animées par le domaine militaire[12], comme le confirme l’analyse « des origines militaires de la Révolution française ». Le sous-axe « guerre et politique » s’est aussi développé autour de la question de la gouvernance (diplomatique et militaire) des républiques-soeurs, en particulier italiennes[13]. Les rencontres princières sont parfois dictées par la recherche d’alliances et des préoccupations martiales et militaires les nourrissent. Les travaux sur les trafics d’armes pendant la guerre d’Espagne (1936-1939) et les figures de médiateurs impliqués dans ces flux transnationaux attestent la fécondité de ce sous-axe, sur le temps long, qui rassemble des chercheurs relevant des trois tutelles du laboratoire.
Ce sous-axe est aussi animé par les recherches sur les minorités confessionnelles dans les armées du roi de France aux 17e et 18e siècles, autour du thème de la raison d’État, par exemple la « tolérance militaire », au sens de supporter, endurer ce que l’on ne peut pas supprimer, illustrant une forme de pragmatisme de l’État royal face au problème du recrutement. Concrètement, il s’agit d’étudier, sans irénisme, la manière dont l’État royal traite les minorités confessionnelles (calvinistes, luthériens, juifs, musulmans, orthodoxes, « grecs »...) qui servent le roi dans ses armées sur une longue durée, en intégrant trois moments (le régime de l’édit de Nantes ; le moment révocation et son incidence sur les troupes et la Marine, puis au 18e siècle), et deux groupes différents : les étrangers (Allemands, Suisses, Suédois, Danois, Écossais, Anglais, etc.) et les régnicoles qui restent présents dans les troupes malgré la révocation. Il s’agit donc de montrer que l’armée est un espace social à part, plus ouvert que d’autres à l’altérité confessionnelle, et d’étudier les modalités concrètes de la coexistence confessionnelle au quotidien, qui obéit sur la longue durée à une logique d’invisibilisation. Le caractère religieux de la relation entre la guerre et la politique illustre donc la nécessité de prendre en compte une diversité et une interaction de plusieurs facteurs et caractères. La relation entre la guerre et la politique alimente aussi la prise en compte d’un autre sous-axe, car la violence a également une dimension politique.
La violence/les violences de la guerre doivent être définies comme un phénomène intégrant une combinaison de plusieurs facteurs. La Première Guerre mondiale fut un phénomène violent initialement alimenté par le nombre de ses pertes et, ensuite, par sa mémoire[14]. Le critère du nombre de pertes se combine donc avec d’autres facteurs et varie aussi selon plusieurs modalités. Par exemple, le taux de pertes d’une séquence de combat est un phénomène très relatif, qui s’exprime en pourcentage reposant sur l’intensité de cette action et s’associant avec le facteur des effectifs. Une bataille engageant de faibles effectifs ne produit donc pas beaucoup de pertes, mais peut quand même être considérée comme très violente si elle provoque un fort taux de pertes. À l’inverse, un taux de pertes modéré peut signifier beaucoup de pertes si les effectifs sont nombreux. Par exemple, la bataille de Leipzig en 1813 alimenta un taux moyen de pertes d’environ 15 %, mais en engageant 500 000 soldats, elle provoqua environ 75 000 morts et blessés. Il faut donc prendre en compte ces différents facteurs de la violence physique et leur rapport avec des caractères sociaux et politiques.
Bien que parfois qualifiées de « guerres en dentelles », les guerres d’Ancien Régime possédaient une dimension violente, qui doit être étudiée, comme le suggère l’article « Bataille » de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert : « La perte réelle soufferte dans une bataille, c’est-à-dire la mort de quelques milliers d’hommes, n’est pas aussi funeste à l’État que son mal d’opinion, ou le découragement qui l’empêche d’user des forces que la fortune lui a laissées ». La violence se définit ainsi comme un phénomène physique et moral, militaire, social et politique, également étudié à l’IHMC[15] aussi bien pour le 17e siècle que pour la diplomatie révolutionnaire et l’occupation militaire en Italie, qui s’appuya sur une stratégie plus violente que la tactique et l’opératique de Bonaparte et qui se combina avec des actions économiques et politiques possédant aussi une violence[16]. La combinaison entre l’échelle individuelle de la violence et sa prise en compte politique et sociale par le corps public est un autre aspect de ces recherches[17]. Il est donc nécessaire de traiter la diversité des violences, au lieu de projeter systématiquement un caractère absolu sur la violence. Il faut étudier la et/ou une violence, comme le suggéra, en 1804, l’Essai sur les voix de la langue française de l’académicien Pierre Morel, en définissant la violence comme un phénomène « générique » et/ou « relatif ». La violence apparaît comme un phénomène qui possède un pan psychologique qui se prolonge après la guerre et alimente des nécessités de réparations pour la venger ou la supprimer.
La guerre n’a pas seulement une valeur dans son temps présent, comme le révèlent les débats postérieurs liés aux réparations. Là aussi cela engage la domination et, après la guerre, un prolongement du conflit. La réparation, c’est évidemment la question des indemnités et dédommagements qui sont toujours âprement négociés, dans les traités de paix, en vertu du « coût » de la guerre et de ses dommages collatéraux et donc, en reposant la question du « droit de la guerre » dans une dimension à la fois économique et financière, diplomatique et, il faut le souligner aussi, environnementale. Les travaux sur les modalités de fabrique de la « paix » à la charnière des 18e-19e siècles se poursuivent dans deux directions : d’une part, le poids des acteurs et des enjeux militaires dans la négociation des traités (et leur articulation avec les armistices) et, d’autre part, les régimes juridiques de sortie de guerre (notamment autour du « rejeu » ou de la mise à distance des « normes » et « usages » hérités de l’Ancien Régime). Pour ce qui concerne les réparations, cela intègre effectivement un vaste ensemble d’objets liés à la sortie de guerre (droit international, et judiciarisation des transgressions, crime de guerre, génocide, indemnisation des victimes). Dans cette perspective, les recherches sur les demandes d’indemnisation des communautés « foulées » par les gens de guerre, ou sur la mémoire de l’esclavage participent pleinement de ces logiques de « réparation » (aussi bien matérielles que mémorielles). La réparation est donc elle-même un phénomène combinatoire articulant plusieurs facteurs et caractères irréductibles à la projection d’une essence. La réparation peut aussi devenir un phénomène destructeur comme le révèle le prolongement de la Première Guerre mondiale par la Seconde. La guerre commencée en 1939 eut donc pour l’Allemagne une valeur de réparation de la précédente guerre et, en France, la victoire de 1918 qui fut mal réparée alimenta la défaite de 1940 comme l’affirma Marc Bloch. La sortie de la guerre ne prend pas toujours les mêmes formes, qu’elle corresponde à une défaite ou à une victoire. Sous le règne de Louis XIV, la sortie de la guerre déboucha sur l’affirmation du domaine militaire par la création d’une armée permanente et par l’adoption d’une stratégie diplomatique généralement conflictuelle. La réparation peut aussi donner lieu à une réforme de la guerre et à un engagement dans la transformation du phénomène national. La création du « pré carré » élaboré par Vauban en 1673 s’imposa comme une réparation de la guerre et contribua à la formation du corps national et de la monarchie, car dans ce pré carré « le roi doit tenir son fait des deux mains ». La réparation peut être un facteur de construction ou de destruction. Ce sous-axe des réparations s’insère donc dans un axe de recherche qui a un fondement épistémologique et une valeur historiographique en révélant des phénomènes nouveaux et en permettant de nuancer les tendances essentialistes qui bloquent la démarche historique et la compréhension de la guerre.
Si les sciences humaines sont apparues dans cette période révolutionnaire, le domaine militaire contribua à la naissance, puis au développement, de la psychologie dans le secteur médical. Le traitement médical psychologique et physique des militaires acquit au 19e siècle une valeur déterminante dans la théorie de la guerre.
Par ailleurs, le rapport entre la guerre et le secteur environnemental a contribué à l’implantation scientifique et professionnelle de la géographie avec la création de la fonction d’ingénieur géographe dans le domaine militaire sous le règne de Louis XIV. La prise en compte du cadre géographique et environnemental alimenta les régimes de conduite de la guerre et, inversement, les pratiques militaires exercèrent une influence sur la géographie (notamment, la cartographie) ou encore sur les logiques de maintien de l’ordre policier. Au-delà de la géographie, la guerre est fortement déterminée par des facteurs environnementaux et en produit elle-même.
La guerre et, plus généralement, le domaine militaire, comportent de nombreuses dimensions scientifiques et techniques, dont la particularité doit être prise en compte pour animer l’étude de leurs combinaisons. Comme le suggère le projet de l’École polytechnique en 1794, la maîtrise des opérations militaires n’est pas une simple accumulation de facteurs techniques, mais une combinaison spécifique qui possède des valeurs épistémologique, pédagogique, industrielle, tactique, stratégique, etc. Par exemple, l’art des fortifications présente cette grande diversité et mérite d’être étudiée en lien avec l’histoire des sciences et des techniques pour prendre en compte son caractère polytechnique, qui fut notamment révélé par Vauban, puis par Carnot, Le Michaud d’Arçon, Montalembert, etc. En plus des fondements théoriques des pensées de ces auteurs, les modalités de leurs publications et les controverses dans lesquelles ils s’engageaient souvent jouèrent un rôle déterminant qui alimenta la prise en compte de l’imprimé dans la pensée de la guerre. Le rôle de l’imprimé et de « l’art de persuader », analysé par Blaise Pascal, s’est intégré aussi dans l’histoire des sciences et des savoirs et doit également s’implanter dans l’histoire de la pensée de la guerre. Enfin, le caractère confidentiel de mémoires manuscrits produits dans l’institution militaire invite à développer une réflexion sur la façon de penser et de formuler une théorie de façon nonpublique.
Toutes ces perspectives de recherche doivent permettre à l’Institut d’histoire moderne et contemporaine :
[1] On peut citer par exemple l’ouvrage collectif dirigé par Maria Pia Donato et Anne Saada, Pratiques d’archives à l’époque moderne. Europe, mondes coloniaux, Paris, 2019 auquel ont participé Vincent Denis et Nicolas Lyon-Caen ; le colloque international co-organisé par Françoise Briegel, Maria Pia Donato et Valérie Theis, « Les logiques de l’inventaire : classer des archives, des objets, des livres (Moyen Âge-19e siècle) » qui a eu lieu du 2 au 4 octobre 2019 auquel ont participé Sabine Juratic et Aurélien Peter ; les rencontres « Administrer par l’écrit » auxquelles ont participé, au sein de l’IHMC, Jacques Bottin, Vincent Denis, Maria Pia Donato, Virginie Martin, Gregorio Salinero, Valérie Theis, Julien Vincent ou encore les journées « A global History of 18th-Century Triest. Materials, Methodology, Scales » du 28 juin 2019 par Christine Lebeau et David Do Paço et « Pouvoirs del’écrit et actes de paroles en histoire et en sciences humaines » du 19 novembre 2021 par Jeanne-Marie Roux et Sébastien Schick.
[2] Annie Duprat, Éric Saunier, Côme Simien (dir.), numéro spécial « Vivre la Révolution, 1792-1795 », Annales historiques de la Révolution française, no 405, 3-2021 ; colloque IHMC, dirigé par Pierre Serna, « Faire, écrire, raconter les révolutions », décembre 2022.
[3] Charlotte Guichard connaît de nombreux fonds patrimoniaux conservés à PSL : le fonds patrimonial de l’Académie royale (puis Académie des Beaux-Arts) de l’ENSBA, les artefacts et spécimens de l’École des Mines et de l’Observatoire, aussi participera-t-elle au projet porté par Muriel Le Roux.
[4] https://socgeo.com/2022/11/07/urbex-reflexions-pour-une-geographie-des-ruines-contemporaines-entretien-avec-nicolas-offenstadt/
[5] Guillaume Calafat, projet IUF.
[6] Jean-François Chauvard : projet ANR « Processetti. Mariage et mobilité à Venise, xvie-xviie s. » (2018-2023).
[7] Vincent Denis : projet « Policer les présences noires en Europe dans le “long” xviiie siècle ».
[8] Claire Zalc : projet ERC Lubartworld.
[9] Angelos Dalachanis : projet École française d’Athènes, « Destins d’objets : la circulation des traces matérielles de l’Antiquité à nos jours ».
[10] Philippe Petriat : Orientalistes en Arabie xviiie-xxe siècles ; Pierre Salmon : Géo-récits ; Patricia Subirade : ingénieurs et experts hydrauliques à l’époque moderne.
[11] https://sorbonnewarstudies.pantheonsorbonne.fr/sorbonne-war-studies
[12] Hervé Drévillon, Olivier Wieviorka (dir.), Histoire militaire de la France, Paris, Perrin, 2018-2022, 2 volumes.
[13] Voir les travaux de Virginie Martin.
[14] Nicolas Offenstadt & Emmanuel Droit (dir.), Das rote Erbe der Front. Der Erste Weltkrieg in der DDR [L’héritage rouge du front. La Grande Guerre en RDA], Berlin ; Boston, De Gruyter, 2022.
[15] Voir les travaux de Paul Vo-Ha.
[16] Virginie Martin & Catherine Brice (dir.), La fabrique économique de l’étranger en temps de guerres et de révolution (fin xviiie-fin XIXe siècle), à paraître aux éditions de l’EFR.
[17] Hervé Drévillon, L’individu et la guerre, du chevalier Bayard au soldat inconnu, Paris, Belin, 2013.
Publié le 29 août 2023, mis a jour le mercredi 8 novembre 2023
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