↑
 

Accueil > Publications > Productions multimédia > Invisibilisation des femmes pauvres

Diane Roman | « Care is burden » : le travail domestiques des femmes, un enjeu des droits humains

Cette page présente l’intervention de Diane Roman à l’occasion de la conférence « Invisibilisation des femmes pauvres : hier, aujourd’hui et… demain ? » organisé par le groupe Panthéon-Sorbonne ATD Quart Monde (28 avril 2020).

Version .pdf de ce texte (223 ko)

C’est un vrai plaisir de vous retrouver même à distance, et vraiment très réconfortant de savoir qu’il y a un certain nombre de personnes qui nous suivent et qui peuvent échanger avec nous sur ces questions. Je crois que Michelle Perrot a parfaitement mis en valeur le cadre de notre réflexion et l’importance de ce travail fourni souvent par les femmes et de ce travail que la littérature scientifique anglo-américaine appelle le travail de care, terme anglais qui n’a jamais trouvé de traduction parfaite et adéquate en français puisque le care, c’est à la fois le fait de soigner et le fait de prendre soin, de faire attention à autrui et je crois effectivement que tout le travail fourni par les soignants et plus généralement par toutes celles et tous ceux qui interviennent dans le cadre de cette crise sanitaire que nous traversons met en évidence l’importance du care dans cette double dimension à la fois de soins et en même temps d’attention et de sollicitude à autrui.

Je souhaite vous présenter quelques éléments sur l’importance de ce travail de care largement invisibilisé, notamment parce qu’il est fourni par les femmes principalement.

Donc c’est sur cette question de l’invisibilisation du travail domestique des femmes que je voulais intervenir aujourd’hui dans le domaine qui est le mien, à savoir le domaine de l’analyse juridique, mais analyse juridique ici entendue de façon relativement large et ouverte à des problématiques à la fois sociologiques et économiques.

Je voulais pour commencer m’arrêter sur la photo d’une statue, d’une statue qui en fait est de l’art vivant, montrée dans les rues d’une commune en Espagne en 2018, et qui s’appelle A mother’s love. Elle montre une femme courbée qui plie sous un certain nombre d’objets qui représentent les tâches domestiques que les femmes accomplissent tout au long de leur journée. On voit assez nettement une machine à laver, au-dessus des vélos d’enfants, des paniers, des seaux de ménage, etc., et cette femme tient en-dessous un nouveau-né. À mother’s love est cette idée que l’amour que les femmes ont pour leur famille les conduit à subir le fardeau d’un certain nombre d’activités qu’on retrouve dans une expression tirée des mouvements féministes des années 1970. Cette deuxième vague du féminisme qui avait ce slogan : « Care is burden ».

Alors il est difficile à nouveau de traduire le care : le soin, la sollicitude, un fardeau non également partagé, puisque c’est un fardeau qui pèse principalement sur les femmes.

On estime que le travail domestique en France, évoqué par Michelle Perrot, a une valeur, si on le chiffrait à la hauteur par exemple d’une heure de salaire minimum, de 60 milliards d’euros de travail. Cela correspond à un tiers du produit intérieur brut. Évidemment le travail domestique, fourni principalement par les femmes, n’est pas chiffré, il n’est pas monétisé et l’explication qui est souvent avancée, consiste à avancer que, finalement, l’amour ne se quantifie pas. L’amour ne se chiffre pas, il n’a pas de valeur, parce qu’il est inestimable. Cependant, les économistes sauraient bien calculer cette valeur. Si ce travail n’a pas de valeur marchande, il a en tout cas une valeur économique et, sans lui, la société ne fonctionnerait pas. Par ailleurs, les sociologues savent très bien que l’investissement au sein du travail domestique pèse principalement sur les femmes et que c’est aux femmes qu’incombent non seulement les tâches ménagères, l’entretien du foyer, mais aussi l’éducation et les soins aux enfants, l’éducation et les soins aux personnes âgées. Je voudrais m’arrêter sur un rapport rédigé par la rapporteure spécial des Nations Unies sur l’extrême pauvreté et les droits ’des humains, Magdalena Sepulveda, qui a publié en 2013 son rapport annuel consacré à la question du travail domestique. Elle y étudiait l’enjeu du travail domestique de par le monde sous l’angle des droits fondamentaux. On peut l’analyser également pour voir les liens entre pauvreté et invisibilisation du travail des femmes et notamment du travail domestique des femmes.

Dans ce rapport de 2013, l’autrice souligne que la non-reconnaissance du travail domestique constitue une atteinte universelle aux droits des femmes et, dans l’adjectif universel, il y a une double dimension. Tout d’abord, c’est une violation universelle des droits fondamentaux des femmes, parce qu’elle se constate partout dans le monde. Le fait que les tâches domestiques pèsent principalement, voire exclusivement sur les femmes, se constate dans tous les types de société, aussi bien les sociétés développées riches, comme les sociétés européennes, que dans les sociétés en développement, les sociétés urbanisées et celles rurales. C’est un constat universel qui explique que la répartition sociologique du travail assigné aux femmes et aux hommes, ce que l’on appelle « les fonctions sociales assignées aux femmes et aux hommes », se retrouvent dans tous les types de sociétés.

Cette atteinte aux droits est aussi universelle parce que le travail domestique, effectué principalement par les femmes, entraîne une violation de nombreux droits fondamentaux. C’est d’abord le droit à une juste rémunération, mais ça peut aussi être le droit à la sécurité sociale, le droit à l’éducation pour les fillettes, qui sont déscolarisées avant les garçons de façon à pouvoir accomplir ces tâches domestiques. C’est également une atteinte au respect de la vie privée, une atteinte également à un certain nombre de droits civils et politiques, comme par exemple le droit de participer aux mandats politiques, aux fonctions politiques et sociales dans une société, droits qui ne sont pas reconnus à égalité, puisque les femmes n’ont matériellement souvent pas le temps d’effectuer ces mandats politiques. Et Magdalena Sepúlveda, dans ce rapport, souligne, je cite : « dans le monde entier les femmes et les filles passent nettement plus de temps que les hommes à s’acquitter des tâches domestiques non rémunérées. Cette lourde responsabilité inégalement répartie de travail domestique non rétribué constitue un obstacle à une participation plus générale des femmes au marché du travail, ce qui a des incidences sur la productivité, la croissance économique et la réduction de la pauvreté ». Elle ajoute : « plus regrettable encore est que l’inégale répartition des tâches, l’intensité du travail domestique non rémunéré et le fait qu’il passe quasiment inaperçu abaissent la dignité des femmes au foyer, les laissent sur le plan de la jouissance de certains de leurs droits fondamentaux en inégalité avec les hommes, entravent leur progression vers l’égalité des sexes et accentuent leur vulnérabilité sans égale à la pauvreté tout au long de leur vie. »

On est bien en présence ici d’un constat universel d’atteinte aux droits fondamentaux. En réponse, Magdalena Sepúlveda souligne que reconnaître le travail domestique devrait être une obligation étatique pour deux raisons. D’abord parce qu’il s’agit d’une responsabilité sociale : le fait de s’occuper des enfants, le fait de s’occuper des personnes âgées, le fait d’entretenir un foyer n’est pas un simple choix individuel, c’est une responsabilité sociale et une responsabilité sociale qui devrait être partagée entre les femmes et les hommes et ne pas peser exclusivement sur les femmes. Donc le fardeau des tâches domestiques doit être allégé des épaules des femmes et réparti équitablement entre les épaules des hommes et celles des femmes.

Par ailleurs, la deuxième idée mise en avant par Magdalena Sepúlveda est qu’alléger ce fardeau pesant sur les épaules des femmes, suppose une redistribution à la fois au sein du foyer et au sein de la société. Des aménagements sont à mener aussi bien à l’intérieur des familles qu’à l’intérieur des sociétés.

Je voudrais maintenant détailler, à travers des exemples plus tournés vers la France, les formes de cette redistribution, à la fois au sein du foyer et au sein de la société. Au sein du foyer d’abord, je vous le disais, on a des chiffres clairs qui montrent que les responsabilités domestiques et les responsabilités parentales ne pèsent pas de la même manière sur les femmes et les hommes. Ce tableau[1] issu d’enquêtes menées par l’Insee en 2015 montre très clairement l’inégal investissement des femmes et des hommes dans les tâches domestiques et parentales.

Examinons quelques données : ici la colonne de l’activité professionnelle, toutes journées confondues. La colonne est subdivisée entre une colonne qui représente l’activité profes­sionnelle des femmes et celle qui représente l’activité professionnelle des hommes : si vous regardez une situation d’une femme sans enfant ou d’un homme sans enfant, vous voyez que l’activité professionnelle des femmes est de trois heures cinquante-neuf par jour, celle des hommes est de cinq heures vingt-deux. Maintenant si vous prenez en considération la présence d’enfants et le nombre d’enfants au sein du foyer vous voyez que l’activité professionnelle des femmes décline de façon tout à fait corrélée au nombre d’enfants présents dans le foyer. En d’autres termes, une femme avec un enfant de moins de trois ans n’aura plus qu’une activité professionnelle de trois heures et sept minutes par jour, et, si elle a trois enfants dont un de moins de trois ans, elle n’exercera plus que cinquante-deux minutes par jour d’activité professionnelle.

À l’inverse, si vous regardez la deuxième colonne, celle de l’activité professionnelle toutes journées confondues des hommes, vous voyez qu’un homme travaille en moyenne, s’il n’a pas d’enfant, cinq heures vingt-deux par jour. S’il a trois enfants, assez paradoxalement, il va travailler davantage, puisqu’il va arriver à cinq heures trente-cinq ou cinq heures vingt-quatre d’activité professionnelle par jour en fonction de l’âge des enfants. Cette première colonne montre clairement que l’activité professionnelle d’un homme ou d’une femme est impactée différemment selon la présence et le nombre d’enfants au foyer. Plus une femme a d’enfants, moins elle va travailler à l’extérieur. Plus un homme a d’enfants, plus il va travailler à l’extérieur. Si vous regardez les activités domestiques, on arrive à un schéma inversé : plus une femme a d’enfants, plus elle exercera d’activités domestiques et plus le nombre d’heures passées à exercer ces tâches dome­stiques va augmenter. Sans enfant, une femme exercera deux heures cinquante-cinq d’activités domestiques par jour. Avec trois enfants dont un de moins de trois ans, on passera à huit heures par jour. À l’inverse, si vous regardez la colonne à côté, le nombre d’heures d’activité domestique exercées par un homme augmente lui aussi, mais dans des proportions bien moindres que celles des femmes, puisqu’un homme sans enfant aura deux heures d’activités domestiques et, avec des enfants, trois heures environ d’activités domestiques par jour, et encore faut-il regarder plus finement quelles sont ses activités domestiques.

En réalité, un homme va certes avoir plus d’activités domestiques, passer plus de temps au foyer. Cependant, vous voyez que ce n’est pas en tâches ménagères qu’il passe l’essentiel de son temps : le nombre d’heures effectuées par des hommes pour des tâches ménagères, c’est à dire l’entretien, le lavage, les courses, etc., reste tout à fait identique et constant malgré l’évolution de la taille de la famille. En d’autres termes, un homme, qu’il ait ou pas des enfants, n’effectuera qu’une heure par jour de tâches domestiques. En revanche évidemment, le temps qu’il va passer auprès de ses enfants va augmenter, ce qui fait augmenter la participation domestique des hommes avec enfants. Le tableau montre clairement que la redistribution des tâches domestiques au sein d’un foyer est tout à fait inéquitable et que, dans l’ensemble, c’est sur les femmes que pèse l’essentiel des tâches domestiques, notamment des tâches ménagères au sein d’un foyer. Dans ces conditions, un certain nombre de dispositifs de politiques publiques pourrait être aménagé de façon à permettre une meilleure redistribution du temps d’activités domestiques entre femmes et hommes, comme le rapport Sepúlveda y engage les États.

Tout se joue dans les premières années de vie des enfants et c’est autour du congé parental que les réflexions se portent désormais pour améliorer ce partage des tâches domestiques et des tâches parentales entre les pères et les mères des jeunes enfants. Concrètement, il y a en France un dispositif qui a été adopté qui s’appelle la prépare, prestation partagée d’éducation de l’enfant, qui est le dispositif qui permet de financer le congé parental pris par un des parents pour s’occuper d’un enfant en âge préscolaire, c’est-à-dire de 0 à 3 ans. Juridiquement, techniquement, ce dispositif de congé parental financé par la prépare, peut être pris aussi bien par les femmes que par les hommes. Les hommes ont le droit de bénéficier de ce congé parental. Ce que l’on voit en réalité, c’est que très peu d’hommes le prennent. Vous voyez que 96 % des bénéficiaires de la prépare sont des femmes, des mères, car moins de 4 % des hommes prennent ce congé parental. Une des explications à cette faible participation des hommes au dispositif de congé parental vient du fait que l’allocation qui est versée aux parents restant à la maison pour s’occuper de ses enfants, est une allocation d’un montant très faible de moins de 400 euros par mois pour un enfant. Donc le dispositif est très peu incitatif. Concrètement un parent qui s’arrête de travailler pour s’occuper de son enfant en bas âge va perdre de l’argent et le choix fait dans un couple est le plus souvent fondé sur une rationalité économique. Comment faire pour que le foyer perde le moins d’argent possible ? Celui qui gagne le moins va s’arrêter de travailler pour s’occuper des enfants et des tâches domestiques durant les trois premières années de vie des enfants. Qui gagne le moins dans un foyer ? Ce sont les femmes, dont on sait qu’elles sont beaucoup moins rémunérées que les hommes sur le marché du travail. On dispose donc d’un dispositif formellement égalitaire, mais qui aboutit concrètement à accroître la précarité économique des femmes et, surtout, à les éloigner du marché du travail pendant une durée qui peut être assez longue, ce qui d’ailleurs va constituer, de plus, un facteur puissant d’aggravation des difficultés des femmes à accéder au marché du travail. On sait que, si les femmes jeunes n’arrivent pas à obtenir d’emploi, c’est très souvent parce que les employeurs craignent qu’elles bénéficient à court terme d’un congé maternité et, ensuite, qu’elles prennent un congé parental. Donc, le dispositif du congé parental en France, tel qu’il est établi, demeure très largement insuffisant. Il contribue à accroître la précarité économique des femmes. Il contribue à accroître plus généralement les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes. Et il faudrait très certainement le remettre à l’agenda politique et trouver d’autres formules qui pourraient être, par exemple, une meilleure rémunération du congé parental.

La solution d’un salaire pour les personnes au foyer est à première vue intéressante et on pourrait effectivement considérer qu’une des manières de visibiliser le travail de care, de valoriser le travail domestique fourni par les femmes, c’est de le rémunérer comme étant une activité professionnelle à part entière. On voit en même temps, si on réfléchit à plus large échelle, le risque qui est associé à l’idée de créer un salaire parental qui, de facto, serait un salaire maternel. Cela inciterait les femmes à rester au foyer et cela freinerait considé­rablement la reprise d’activité professionnelle des femmes et l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. En d’autres termes, lutter contre la précarité et la précarité des femmes et l’inégale répartition du fardeau domestique, ça ne passe pas par la rémunération en tant que tel de cette activité domestique, mais par l’adoption de dispositifs qui favorisent l’investissement des hommes, qui favorisent l’investissement des pères au foyer.

Et pour cela il y a certainement d’autres dispositifs à privilégier. Bien évidemment, les services publics, le développement de crèches... Le fait, par exemple, que l’accueil des enfants en bas âge, de 0 à 3 ans, enfin de 3 mois à 3 ans en France, n’est pas considéré comme une activité de service public, alors que l’école est un service public. Cela pourrait être une des pistes d’évolution.

L’autre piste d’évolution, c’est l’allongement et le caractère obligatoire du congé paternité. Pour le moment, les pères en France ont droit à onze jours rémunérés[2]. Est-ce qu’il ne faudrait pas allonger le congé paternité, le caler sur le congé maternité de façon à ce que les pères soient présents pendant les premiers mois de vie de leur enfant et de façon à ce que le risque maternité, qui pèse à l’heure actuelle exclusivement sur les femmes et qui freine leur carrière professionnelle, soit partagé en un risque parentalité, partagé aussi bien par les mères que par les pères.

Autre exemple, cette fois, celui de la redistribution sociale. C’est un exemple dont on a beaucoup parlé autour des retraites des femmes. On sait que les retraites des femmes sont très largement inférieures à celles des hommes. Si vous calculez uniquement les pensions de droit direct, calculées sur la base des salaires gagnés tout au long des années de cotisations, vous constatez que l’écart de rémunération des femmes à la retraite et des hommes est égal à 40 %.

En d’autres termes, les hommes perçoivent une pension de retraite de 40 % supérieure à celle des femmes et c’est là le reflet des inégalités professionnelles qui jalonnent toute la vie des femmes. Concrètement, les femmes sont moins rémunérées. Elles travaillent plus en temps partiel et, de ce fait, leur pension de retraite répercute mécaniquement ces inéga­lités professionnelles tout au long de leur vie.

Il existe des dispositifs qui permettent de compenser en partie cet écart des pensions : ce que l’on appelle les droits dérivés, comme les pensions de réversion et le minimum vieillesse. Pourtant, vous savez que, avant que la crise de la Covid-19 ne frappe le monde entier, cet enjeu était au cœur d’un certain nombre de critiques à l’encontre du projet de réforme des pensions de retraites porté par le gouvernement d’Édouard Philippe, ce qui permet de conclure sur ce point : pour assurer une meilleure protection contre la pauvreté des femmes retraitées, très certainement, les dispositifs qui sont purement égalitaires pénalisent largement les femmes et peuvent être constitutifs d’une violation de leurs droits humains. On a des décisions de justice très intéressantes, notamment du comité des droits économiques sociaux et culturels sur le sujet.

Je voudrais conclure sur une perspective plus large. J’avais commencé par un slogan des années 70 : « Care is burden », « Le travail domestique est un fardeau ». En guise de pirouette, je voudrais conclure par un autre slogan féministe des années 70 : « Le privé est politique ». En réalité, on remarque que, dans bon nombre des arrangements qui sont faits au sein du couple, madame s’arrête de travailler pendant que monsieur va gagner l’argent du foyer. Ces arrangements au sein du couple sont rarement totalement décidés par les individus, mais ils sont souvent largement influencés par un certain nombre de contraintes économiques, sociales, culturelles, et ces contraintes affectent la liberté des choix. C’est en cela que le rôle du politique et le rôle du droit sont de permettre la mise en place de dispositifs qui visent à assurer pleinement l’égalité, faisant en sorte que les différentes responsabilités, et notamment les responsabilités parentales, soient mieux partagées entre les femmes et les hommes, soit mieux valorisées et reconnues socialement. Voilà les quelques éléments que je voulais partager avec vous.


Pierre Serna

Merci beaucoup pour cette très belle intervention, très précise, très documentée. Nous sommes cent quinze à participer à cette visio-conférence et à avoir profité de ce bel exposé.

À la suite de cette intervention Pierre Serna répond à une question de Brigitte Dionnet :

Je voudrais plus particulièrement répondre à une question transversale de Brigitte Dionnet tout à fait intéressante sur la question du passé et du présent, par rapport aux interrogations qui nous ont intéressées sur la pandémie et l’invisibilisation du travail très concret des femmes sur les fronts les plus risqués.

Brigitte Dionnet posait la question de savoir s’il y avait eu d’autres crises, à un moment donné de l’histoire, qui avaient donné ce rôle-là aux femmes. Pour travailler sur la Révolution, il me semble que la période de mai 1789 à 1795 est une période de crise politique et aussi de crise sociale et de crise économique. On constate une sur-présence des femmes dans l’aspect très concret, très réel de l’événementialité révolutionnaire qui rejoint une autre question tout à fait passionnante sur la narrativité de l’histoire des femmes. Les documents attestent leur présence et pourtant nous manquons de témoignages directs de femmes pour en écrire l’histoire précise. Ces femmes sont présentes dans le défilé du 5 octobre 1789, sont également présentes dans les crises d’après 1792, elles fondent un club de républicaines révolutionnaires en 1793, dont le but n’est pas simplement une demande genrée, mais des demandes sociales et politiques très précises. Comme Diane roman l’a expliqué, la question du foyer, du maintien du travail domestique redevenait une question politique tout à fait fondamentale, parce qu’elle était une question d’ordre public et que la police des mœurs commençait à l’intérieur de la famille, et lorsque la politique commence à prendre conscience de cela, et le met en valeur – de nombreux législateurs ont été du côté de ces femmes, même si d’autres ont voulu les faire taire – , les femmes redeviennent présentes. Je renvoie aux grands travaux de Dominique Godineau sur les citoyennes et les tricoteuses, et sur le rôle politique des femmes, qui est une toute autre histoire que l’histoire officielle par les Archives parlementaires, par le Moniteur, , jusqu’à ce que l’on les fasse toutes et tous taire après les émeutes du printemps 1795.



[1] Visible à cet instant de la vidéo : https://youtu.be/ePsuyGwcHWo?t=4320

[2] Ndlr : Pour rappel, cette intervention a été effectuée le 28 avril 2020. En novembre 2020 a été voté l’allongement du congé paternité à vingt-cinq jours rémunérés, à compter du 1er juillet 2021.

Publié le 2 décembre 2020, mis a jour le vendredi 4 novembre 2022

Version imprimable de cet article Version imprimable
Accueil du site IHMC
 
Institut d'histoire moderne
et contemporaine – UMR 8066
ENS, 45 rue d'Ulm, 75005 Paris
+33 (0)1 44 32 32 86
contact-ihmc@ens.fr
Facebook X YouTube